Classé monument historique, reconverti en espace culturel, le palais El Abdelliya fait figure de chef-d’œuvre en matière d’architecture et reflète l’importance considérable des influences andalouse, ottomane et occidentale notamment italienne qui ont marqué le style architectural tunisois au cours des siècles passés.
A l’instar de plusieurs demeures et palais d’été beylicaux, le palais d’Al Abdelliya représente un joyau architectural qui porte l’empreinte des influences ottomane et occidentale. C’est l’un des derniers sultans de la dynastie hafside, Abou Abdallah el Hafsi, qui a construit, au XVIe siècle ce palais sur l’ancien site portuaire de La Marsa. Il aurait, selon la légende, suivi les conseils du médecin de sa fille souffrante qui avait recommandé à cette dernière l’air marin revivifiant de la banlieue nord pour sa santé fragile. Initialement, ce sont trois palais et non un seul qui vont être construits par l’émir hafside au sein de jardins et de vergers qui déploient leur verdure à des kilomètres à la ronde. Surnommé également Borj El Sallessel, le palais El Abdelliya El Kobra sera le seul édifice qui résistera aux aléas du temps et traversera les siècles avec une ossature qui restera intacte.
Influence andalouse
L’influence ottomane est visible, dès l’entrée, avec la présence d’arcs outrepassés, de colonnes en pierre et de chapiteaux turcs. Une grande coupole revêtue de plâtre sculpté avec des motifs représentant des bouquets floraux surplombe le premier vestibule (driba) lambrissé de carreaux de faïence italienne qui ont été rajoutées ultérieurement par les beys des dynasties mouradite et husseinite qui ont occupé les lieux. Des banquettes revêtues également de faïence et accolées aux murs étaient sûrement destinées à accueillir les visiteurs de tous bords venus présenter leurs doléances au sultan.
Le style architectural du palais d’un raffinement extrême n’est pas sans rappeler celui du magnifique complexe fortifié andalou EL Hambra qui surplombe la vieille ville de Grenade en Espagne. Plusieurs éléments architectoniques et décoratifs reflètent, en effet, l’influence andalouse ; plafonds des galeries recouverts de plâtre sculpté aux motifs géométriques et floraux, colonnes tapissées de marbre…
Configuration d’un borj
Quant à la conception de l’édifice, elle répond au même principe architectural que celui des «borj» qui sont des maisons de villégiature où résident les beys en été et qui se trouvent généralement à la campagne ou en bord de mer. Un escalier conduit et débouche au premier étage, sur un grand patio à péristyle surélevé doté au centre d’un bassin rectangulaire alimenté par une noria et qui dessert trois grandes pièces axiales en forme classique de T dont la grandeur inhabituelle et la magnificence répondent aux exigences et au rang des hôtes et de leurs invités.
Recouvertes de voûtes surélevées, ces pièces qui ouvrent sur la cour offrent une vue panoramique sur les jardins du palais. Une tour surélevée, comme il en existe dans plusieurs demeures et constructions almohade hafside, a été aménagée au nord-est de l’édifice. Dominant la cour centrale, elle permet non seulement de profiter de l’air frais des soirées d’été mais offre, par ailleurs, une vue imprenable sur les vergers. Le rez-de-chaussée ou sous-bassement sur lequel a été construit le premier étage est, quant à lui, constitué de voûtes renforcées et de murs en moellon et en pierre. Il abrite les communs qui sont des annexes comportant des magasins où sont entreposés les vivres ainsi qu’une large salle de garde ouvrant sur des écuries externes. Après l’époque hafside, le palais qui fut, par la suite, occupé par des beys mouradites et husseïnites, subit de nombreuses transformations sans que ces dernières n’aient altéré la grandeur et la splendeur de l’édifice. Au XVIIe siècle, il servit de résidence au consul britannique. Les extensions se sont poursuivies jusqu’au XIXe siècle, conférant au palais la configuration dans laquelle il existe aujourd’hui.
Sauvé de l’oubli
Classé monument historique en 1923, le palais qui a été reconverti, au cours de la dernière décennie, en espace culturel, accueillant de nombreuses manifestations culturelles dont Nesmit khrif et Layali el Abdelliya a de nouveau retrouvé son aura, plongeant les visiteurs dans la nostalgie d’une époque révolue.