3e journée de «Jaou Tunis»:L’art en résonance avec les réfugiés et les résistants

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Jaou est surprenant, inattendu, perturbant quelquefois, perturbé également, mais poursuivant et maintenant une magnifique programmation vaille que vaille.


A l’IFT, au cœur de la ville, on présentait l’exposition Melita, d’Anne Imelé. Une exposition qui nous met du baume au cœur, car Melita a pour origine un mot antique qui signifie Refuge. Et les refuges, tout au long de l’Histoire, se sont faits dans tous les sens tout autour de la Méditerranée. Réfugiés et réfugiants, même combat, pourrait-on affirmer, réfutant ainsi tout ostracisme.

Plus loin, à Bhar Lazreg, à 100 mètres à vol d’oiseau de B7L9, on rencontrait Bachir Tayachi dont cette première exposition personnelle constitue un moment fort de Jaou. «In my room», que nous présente ce jeune artiste visuel, photographe, vidéaste, dont le nom commence à se faire connaître dans le monde de la mode, est une introspection offerte en partage au public à travers un étonnant parcours d’étapes. Une mise à nu émouvante et perturbante d’une expérience, d’une vie, d’un parcours personnel difficile, violenté, agressé et ayant enfin atteint la sérénité.

Au palais Kheireddine, antique demeure beylicale dont on rêve qu’elle soit restaurée, on retrouve Omar Bey et son Sumo, figure tutélaire régnant sur l’atelier. Ikraa, son installation d’oiseaux silencieux sur fils métalliques qui écrivent une partition et transmettent des messages indéchiffrables pour ceux qui ne veulent pas voir, admettre, reconnaître, illustre parfaitement son credo : «Créer, c’est résister à la honte d’être un homme».

Omar Bey reçoit dans son palais l’artiste zambienne Gladys Kalichini qui résiste elle aussi à sa manière, en exhumant des archives de la mémoire des femmes effacées et oubliées de l’histoire. On regrette de ne pas en avoir vu davantage de cette artiste dont les photos d’offrandes lumineuses illuminent les vieux murs.

Et puis, à quelques encablures, à Phosphore, Yosr Ben Ammar expose en solo Amira Lamti, photographe et vidéaste.

Amira Lamti est fille et petite-fille de Machtat, ces reines du Sahel sans lesquelles nul mariage ne pourrait se faire. Elle leur rend hommage, retrouve la filiation de la tradition, les rites de passage, le cérémonial sacré et s’inscrit dans une tradition patrimoniale symbolique immémoriale. Jaou fait vibrer la cité. Y fait souffler un air tonique, stimulant, excitant. Beaucoup sont venus de loin pour y assister. Ils découvrent la scène tunisienne, les artistes, les galeries. Au fil des galeries et des lieux d’exposition, se tissait une toile d’échanges, de rencontres, de projets partagés. Tout le monde se retrouvait le soir pour un spectacle, un concert, ou un simple moment de convivialité. Et n’est-ce pas cela le rôle de l’art : créer des liens, établir des ponts et se faire caisse de résonance de ce qu’il y a de meilleur en nous.

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