Porté par le « Start-up Act » et des initiatives d’accompagnement, l’écosystème des start-up en Tunisie a évolué rapidement ces dernières années. Mais cette croissance est-elle suffisante pour pérenniser son dynamisme et attirer les investisseurs ?
Synonyme d’innovation technologique, la start-up est perçue, par la plupart des jeunes, comme étant un modèle économique d’entrepreneuriat réussi. Cet effet de mode prend ses racines dans le développement et l’évolution de l’écosystème des start-up en Tunisie, qui a connu un vrai boom au bout de quelques années seulement. L’introduction de la loi « Start-up Act » a, certes, donné un coup d’accélérateur à cette dynamique qui n’a pas tardé à s’installer. Mais, aujourd’hui, cet écosystème, même s’il a acquis une certaine maturité, a besoin d’être revigoré.
Etat des lieux et perspectives
Quel est, alors, l’état des lieux de cet écosystème ? Quelles sont les réformes à mettre en place pour le stimuler encore plus et accélérer le développement de sa maturité ? Toutes ces questions ont été abordées lors d’une journée débat, récemment organisée par le groupement professionnel « Connect Intech » sur le thème « le rôle et les défis des structures d’accompagnement des start-up en Tunisie ».
Tout au long du débat, les intervenants ainsi que les participants ont pointé l’incapacité de l’écosystème à attirer de grands investisseurs ainsi que des financements conséquents. Revenant sur cette thématique, Mohamed Salah Boulila, fondateur de Mazam, a souligné que, dix ans en arrière, la cartographie de l’écosystème des start-up en Tunisie se caractérisait par un nombre réduit d’acteurs dont l’implication est demeurée pour un certain moment faible et l’intervention sporadique. «Il n’y avait pas assez d’expertise pour faire l’accompagnement et gérer les fonds », fait-il remarquer.
Mais ce n’est qu’à partir de 2018 que cette cartographie a pu avoir une meilleure représentation avec l’introduction de plusieurs structures d’accompagnement ou « Start-up Support Organization » (SSO), telles que « Flat6labs », « Impact » … Une totale reconfiguration de l’écosystème s’est opérée suite à la multiplication des incubateurs et des accélérateurs. Boulila a ajouté, dans ce même contexte, qu’un benchmarking avec des écosystèmes similaires et même plus développés révèle que l’abondance des programmes d’accompagnement ciblant les start-up est une caractéristique du contexte tunisien. Malgré leur nombre très important, elles représentent quelques inconvénients, en ce qui concerne leur structuration, mais aussi la visibilité sur leurs durées qui reste toujours floue. L’expert estime que la promulgation de la loi « Star-up Act » constitue un événement majeur pour le monde des start-up. Cependant, cinq ans après son adoption, « l’écosystème donne l’impression qu’il est en train de survivre, malgré la présence de signes de maturité ».
Un écosystème structuré, mais …
En effet, une récente étude réalisée par l’agence de gestion de projets et de création événementielle fondée en 2011, « Mazam », a révélé que sur les 178 structures d’accompagnement qui existent aujourd’hui en Tunisie, plus de la moitié se focalise sur les premières phases de vie de la start-up. Si le modèle de « coworking space » (plus d’une centaine) a contribué à la démocratisation de l’écosystème des start-up dans les régions, certains accélérateurs n’arrivent pas à remplir les missions qui leur sont confiées. Par ailleurs, Boulila s’interroge sur l’efficacité des programmes financés par les bailleurs de fonds et sur leur adéquation avec les besoins de l’écosystème et des start-up. En outre, l’intervenant considère que le travail de dissémination de la culture entrepreneuriale doit être poursuivi mais avec modération. «Notre objectif ne doit pas être de produire davantage de porteurs d’idées. Il ne sert à rien de les multiplier. Essayons de les soutenir », a-t-il indiqué.
Pour le spécialiste, les méfaits des programmes de subventions sont plus lourds que leurs avantages puisqu’ils encouragent l’esprit d’assistance parmi les jeunes startuppeurs. « La Tunisie a dépassé la phase d’activation. La pérennisation de ce qu’on est en train de faire est, aujourd’hui, le défi le plus important », a-t-il conclu. De son côté, Wahb Ouertani, président de « Conect Intech », a souligné la nécessité de réviser la loi de « Start-up Act » afin de résoudre les complexités réglementaires auxquelles sont confrontées aujourd’hui les startuppeurs, notamment en ce qui concerne la réglementation du change. Il a, par ailleurs, fait savoir que « Conect Intech » organisera en janvier prochain, le Start-up Investment Forum qui verra la participation de plus de 80 sociétés d’investissement. Cet événement représente l’occasion idéale pour rapprocher les investisseurs — qui boudent pour l’heure l’écosystème de l’innovation — des start-up.