Chassés d’Espagne lors de l’Inquisition espagnole et venus en Tunisie à la fin du XVIe siècle, les Morisques andalous ont notablement marqué de leur empreinte et de leur influence les différents aspects de la culture et du patrimoine en Tunisie.
Profondément intégrés dans la société espagnole avant de prendre le chemin de l’exil, les Morisques andalous ont rapporté avec eux, en arrivant en Tunisie, leur style vestimentaire, leur savoir-faire culinaire ainsi que leur langue qui est un mélange de castillan, de valencien, de catalan… Bien que partageant la foi musulmane de leurs hôtes et bien accueillis par les autorités beylicales de l’époque, ils resteront profondément attachés à leurs origines et leur culture espagnole allant jusqu’à refuser « de marier leurs filles aux gens du pays », relève Abdelaziz Daouletli dans son livre « Mosquées et zawiyas de Tunisie IXe-XIXe s. J-.C.». Particulièrement appréciés par les locaux pour les compétences dont ils jouissaient dans de nombreux domaines, les Morisques n’arrivent pas à oublier leur pays d’origine et poussent le sentiment de nostalgie jusqu’à reproduire, dans les moindres détails, le style architectural de leur cité d’origine. Fondée entre 1609 et 1613, Testour regorge d’éléments architecturaux qui portent le cachet morisque. Les maisons dans cette ville, qui a accueilli un grand nombre de Morisques andalous, ressemblent plus aux demeures occidentales qu’aux maisons des autochtones.
Formes architecturales occidentales
Au lieu d’aménager des terrasses semblables à celles dont sont dotées les demeures tunisoises et locales, les nouveaux Tunisiens d’adoption ont, plutôt, construit des toits en pente rappelant ceux des demeures espagnoles, recouverts de tuiles creuses enduites d’un vernis vert et dont la fabrication est devenue, depuis, une spécialité testourienne. Mais c’est l’architecture religieuse qui porte le plus l’empreinte andalouse. On peut l’observer dans le style architectural de la grande mosquée de Testour qui illustre l’influence andalouse en Tunisie. Construit au début du XVIIe siècle par Muhammed Tagharinou, un Andalou qui maîtrisait parfaitement les styles architecturaux baroque et de la renaissance tolédane qui caractérisent les édifices andalous, ce sanctuaire musulman présente plusieurs éléments architecturaux propres aux lieux de culte chrétiens (églises, cathédrales….). Nostalgiques de leur contrée d’origine, ces apatrides ont fini par graver dans les pierres les souvenirs qu’ils ont de leur cité, cherchant, en effet, à intégrer les formes architecturales propres à leur culture.
Horloge inversée de Testour
Tout dans la grande mosquée de Testour reflète l’esprit et l’influence andalous. Le minaret du sanctuaire, d’une hauteur de 22 mètres, rappelle les clochers des églises tolédanes. Les tours octogonales dont est doté l’édifice ressemblent à celles des églises d’Aragon et de Castille. Mais la ressemblance la plus significative est bien celle de la façade du mihrab dont le fronton et les retables sont similaires à ceux des lieux de culte chrétiens du XVIe siècle. Et il y a surtout cette fameuse horloge de Testour. Son caractère insolite ne cesse de surprendre les autochtones et les visiteurs étrangers. Restée silencieuse pendant trois siècles, celle-ci indiquait l’heure dans le sens inverse des aiguilles traditionnelles d’une montre. Etait-ce une manière symbolique pour les Morisques andalous nostalgiques de revenir en arrière dans le temps et de retrouver leur pays ? C’est ce que raconte en tout cas la légende.
Source : «Mosquées et zawiyas de Tunisie IXe-XIXe s. J-.C» de Abdelaziz Daouletli