Face à la dominance de l’huile d’olive espagnole sur le marché chinois, les exportateurs tunisiens doivent jouer la carte de la qualité, pour séduire les consommateurs chinois. Et pourquoi pas ouvrir des négociations sur la suppression des droits de douane appliqués sur l’huile d’olive tunisienne.
En tant qu’huile méditerranéenne d’excellence, l’huile d’olive tunisienne s’est forgé une solide réputation à l’international: en Europe, au Canada mais aussi au Japon et aux Etats-Unis. Connue pour ses vertus et ses bienfaits, l’huile d’olive tunisienne peut encore battre des records en termes de qualité et de production.
Mais pour atteindre de meilleures performances, les exportateurs tunisiens d’huile d’olive doivent se tourner vers de nouveaux marchés non traditionnels et séduire leurs consommateurs.
La Chine, bien qu’elle ne soit pas une grande consommatrice d’huile d’olive, représente, dans ce cadre, une opportunité inestimable. Cependant, ce marché gigantesque possède ses propres réglementations et conditions d’accès.
Un marché gigantesque, un potentiel énorme
Pour mieux connaître les spécificités du marché chinois et tout le potentiel qu’il représente pour les exportations d’huile d’olive tunisienne, le Cepex vient d’organiser une journée d’information en présence d’entrepreneurs tunisiens.
En ouverture de la journée, l’ambassadeur de Tunisie à Pékin, Adel El Arbi, a rappelé la visite d’Etat historique qu’a effectuée le président de la république, Kaïs Saïed, au mois d’avril en Chine, laquelle a insufflé un nouveau dynamisme aux relations bilatérales. Ce nouvel élan a été, par la suite, confirmé par la participation du Chef du gouvernement, Kamel Maddouri, à la neuvième édition du forum sur la coopération sino-africaine.
Evoquant le déficit commercial de la Tunisie avec la Chine qui a atteint 8,4 milliards de dinars en 2023, l’ambassadeur a affirmé que l’huile d’olive figure parmi les produits tunisiens à potentiel d’exportation vers la Chine.
En effet, cette dernière a représenté 71% des exportations du secteur agroalimentaire vers ce pays en 2023. Malgré l’importance de ce chiffre, le diplomate a affirmé que la Tunisie est loin de faire partie des principaux fournisseurs de la Chine, contrairement à l’Espagne et à l’Italie. «Près de 90 % de l’huile d’olive importée par la Chine provenait de d’Espagne en 2023. Mais les chances pour que l’huile tunisienne puisse percer ce marché sont importantes. J’invite les exportateurs d’huile d’olive à explorer les opportunités offertes par le marché chinois », a-t-il insisté. Selon l’ambassadeur, le marché chinois représente plusieurs avantages.
Tout d’abord, sa grande population qui dépasse les 1,4 milliard de consommateurs la propulse au rang de deuxième plus grand importateur mondial. De plus, la croissance économique rapide que connaît le pays ainsi que la hausse du pouvoir d’achat de ses habitants contribuent de manière continue à l’expansion du marché alimentaire chinois.
Si la Chine représente une faible part des importations mondiales d’huile d’olive, sa demande en huile d’olive est en hausse constante.
Cette progression, explique le diplomate, prend ses racines dans l’adoption de nouveaux modes de consommation dans ce pays asiatique, qui intègrent des produits étrangers dans leurs habitudes alimentaires tels que le café et l’huile d’olive.
De surcroît, le phénomène « bio healthy » prend de l’ampleur en Chine, un avantage dont peut tirer parti l’huile d’olive tunisienne, étant donné ses qualités nutritionnelles.
Détrôner l’huile espagnole
Cependant, malgré l’essor et le potentiel du marché chinois, l’huile d’olive tunisienne reste encore méconnue par la population chinoise, car elle manque de visibilité sur ce marché, affirme-t-il. Pour améliorer la présence de ce produit phare tunisien sur le marché chinois, El Arbi a émis quelques propositions.
Il s’agit, selon lui, de mettre en œuvre le Mémorandum d’entente sur la création de groupes de travail pour l’investissement, qui a été signé à l’occasion de la visite d’Etat effectuée par le Président de la République à Pékin.
Il a, également, appelé les structures concernées à informer davantage les entreprises tunisiennes sur les réglementations liées à l’importation des produits agroalimentaires en Chine et poursuivre leur accompagnement dans les procédures d’enregistrement auprès des douanes chinoises.
Selon le diplomate, la participation massive aux foires commerciales en Chine peut aider à faire connaître l’huile d’olive tunisienne, assurer sa promotion et sa commercialisation. «Cette semaine, l’ambassade soutiendra la participation d’hommes d’affaires tunisiens opérant dans plusieurs secteurs, y compris le secteur agroalimentaire, à la 7e édition de la «China National Import Export», qui se tiendra à Shanghai du 5 au 10 novembre 2024. L’ambassade invite le Cepex à soutenir davantage les prochaines participations tunisiennes dans les foires pour assurer une visibilité plus importante sur un marché chinois très promoteur et fortement concurrentiel», a-t-il ajouté.
Il a, également, recommandé aux exportateurs de recourir à une communication en langue chinoise et utiliser le commerce électronique pour promouvoir l’huile d’olive en Chine qui est le plus grand marché de commerce électronique dans le monde. Il a, par ailleurs, indiqué qu’il est préférable de jouer sur le prix, puisque l’huile d’olive se vend très cher en Chine, ce qui pourrait constituer un frein à son expansion.
Miser sur le biologique
De son côté, Mourad Ben Hassine, Pdg du Cepex, a fait savoir que la Tunisie est le 8e fournisseur d’huile d’olive pour la Chine qui représente un potentiel d’exportation inexploité de 22 millions de dollars. Il a rappelé, dans ce contexte, que les exportations agricoles et agroalimentaires ont enregistré une légère baisse de 8% par rapport à 2022, mais ont connu une baisse beaucoup plus importante estimée à 63% entre 2021 et 2023. A partir de janvier 2022, de nouvelles dispositions réglementaires ont été appliquées par les autorités chinoises concernant l’exportation des produits alimentaires vers la Chine. Ben Hassine a, en outre, précisé que le Cepex est l’autorité compétente mandatée par la douane chinoise pour l’enregistrement des entreprises tunisiennes, souhaitant effectuer des opérations d’exportation sur le marché chinois sur sa plateforme d’enregistrement.
Il a affirmé qu’à ce jour cinq entreprises tunisiennes seulement y sont inscrites. «A travers cette table ronde, nous souhaitons vous fournir les informations nécessaires pour faciliter votre inscription et vous assister pour aller vers ce marché prometteur», a-t-il lancé aux représentants d’entreprises présents à l’événement.
Dans une déclaration accordée à La Presse, Dhouha Chtourou, vice-présidente du Conseil d’affaires tuniso-chinois, a affirmé qu’après le Covid, l’huile d’olive tunisienne a perdu sa place sur le marché chinois, la quantité exportée est passée de 2.000 à 130 tonnes en 2023.
Elle a ajouté que les Tunisiens peuvent concurrencer les Espagnols qui commercialisent sur ce marché une huile bas de gamme. En misant sur la qualité et l’aspect biologique, la Tunisie, en tant que premier producteur d’huile d’olive biologique dans le monde, peut facilement détrôner ses concurrents, a-t-elle expliqué. Mais les exportateurs sont appelés, d’abord, à se procurer la certification chinoise bio dont les procédures sont différentes du certificat européen. Chtourou a, par ailleurs, appelé à ouvrir des négociations sur la suppression des droits de douane pour l’huile d’olive tunisienne à l’image de ce qui a été fait avec le Chili. «On aimerait bien qu’on négocie ce taux ou qu’on arrive à le supprimer pour permettre aux entreprises d’avoir plus de chances d’accéder à ce marché», a-t-elle conclu.