Lors de sa dernière mission dans le sud de la Tunisie, Abdelmajid Dabbar, président de l’association Tunisie Écologie, une organisation engagée dans la protection de l’environnement, a fait une découverte inattendue.
De retour d’une visite dans plusieurs ports de pêche et marchés de poissons, il a observé une espèce de poisson qu’il n’avait jamais rencontrée auparavant.
Cette espèce a été trouvée en vente au marché de poissons de Mahrès, dans le golfe de Gabès, et n’avait été repérée ni sur les côtes tunisiennes, ni aux îles d’El-Biben au sud, ni à la Galite au nord, des lieux habituels pour les pêcheurs de la région.
Le poisson, mesurant entre 18 et 26 cm, bec compris, a attiré l’attention par sa forme particulière, suscitant de nombreuses interrogations parmi les experts.
Également commun comme une figure active dans le secteur de la pêche et des écosystèmes marins, Abdelmajid Dabbar a alors lancé un appel sur sa page Facebook, demandant à ses amis halieutes et experts en poissons de l’aider à identifier cette espèce.
Selon des pêcheurs locaux de Tabarka, ce poisson est surnommé « bou moungar », un nom qui semble désigner une espèce présente depuis environ 15 ans dans cette région. Pour certains, cette découverte pourrait signifier l’apparition d’une espèce invasive dans les eaux méditerranéennes.
Les premières hypothèses sur l’origine de ce poisson suggèrent qu’il pourrait s’agir du Hemiramphus balao, une espèce de poisson présente dans l’Atlantique et appréciée sur les côtes est de l’Amérique latine et de l’Afrique de l’Ouest.
Cependant, cette identification a été nuancée par l’intervenante du professeur Jamila Ben Souissi, qui a confirmé qu’il s’agissait en réalité du Hemiramphus far, une espèce similaire mais originaire de la Mer Rouge, et non de l’Atlantique.
En effet, le Hemiramphus far appartient à la famille des Hemiramphidae, connus pour leur long bec caractéristique qui leur donne l’apparence de petits « poissons à demi-bec ». Ces poissons sont particulièrement adaptés à des environnements marins chauds et peu profonds. Ils se nourrissent principalement de petits crustacés et de plancton, ce qui leur permet de se propager rapidement dans des zones riches en ces ressources.
Leurs habitudes migratoires et leur capacité à s’adapter à des conditions variées de température et de salinité expliquent peut-être pourquoi ils ont pu s’installer dans des eaux comme celles de la Méditerranée, même si cette espèce n’y était pas historiquement présente.
Cette précision soulève donc la question de savoir comment cette espèce a pu se retrouver dans les eaux tunisiennes.
L’éventuelle nature invasive de cette espèce a également été évoquée. Selon plusieurs témoignages de pêcheurs, le poisson s’est installé dans les eaux du sud tunisien, probablement à cause du réchauffement climatique. Cette arrivée progressive et la présence croissante de cette espèce soulèvent des inquiétudes quant à son impact potentiel sur l’écosystème local. Si cette espèce continue à se propager, elle pourrait perturber les équilibres marins existants, en concurrençant les espèces locales pour les ressources alimentaires et les habitats.
Les experts s’interrogent également sur les implications futures de cette invasion. Si ce poisson a déjà été observé dans des régions aussi variées que le Golfe Persique et l’océan Pacifique, il est possible qu’il puisse s’adapter et se propager davantage à travers le bassin méditerranéen, menaçant ainsi d’autres écosystèmes marins.