Accueil Culture 35e edition de « The Village Next to Paradise », de Mo Harawe-Somalie: La Somalie et d’autres récits

35e edition de « The Village Next to Paradise », de Mo Harawe-Somalie: La Somalie et d’autres récits

Présenté dans le cadre de la compétition officielle des JCC, ce film s’impose comme une œuvre singulière, portée par une esthétique de grande qualité et une approche narrative subtile.


Premier long-métrage du réalisateur somalien Mo Harawe, « The Village Next to Paradise » est une œuvre forte qui s’éloigne des clichés habituels associés à la Somalie pour offrir une réflexion intimiste et humaine sur la résilience familiale dans un pays en proie à la guerre civile et aux catastrophes géopolitiques.

Présenté dans le cadre de la compétition officielle des JCC, ce film s’impose comme une œuvre singulière, portée par une esthétique de grande qualité et une approche narrative subtile. L’histoire se déroule dans un village du désert somalien, où Mamargade, un père célibataire, cumule les petits boulots pour subvenir aux besoins de son fils Cigaal, un jeune garçon brillant qui rêve d’un avenir meilleur. Lorsque la sœur de Mamargade, Araweelo, divorcée et en quête d’autonomie, vient s’installer avec eux, la famille se retrouve unie dans l’adversité, cherchant à surmonter ensemble les épreuves imposées par un environnement hostile. 

Ce qui distingue « The Village Next to Paradise » d’autres récits sur la Somalie, c’est l’absence de misérabilisme. Mo Harawe choisit de ne pas enfoncer le spectateur dans les horreurs de la pauvreté extrême, ni de chercher à susciter la compassion à tout prix.

Au contraire, il préfère adopter un regard plus nuancé, axé sur les relations humaines et la dignité des personnages. La pauvreté, bien présente, n’est pas un sujet principal, et l’échec du système éducatif, symbolisé par la fermeture de l’école de Cigaal, sert de toile de fond à une réflexion plus large. Le film met en lumière une dynamique familiale où les personnages trouvent, malgré les conditions précaires, des ressources dans l’amour et l’entraide. Mamargade, prêt à tout pour offrir à son fils une chance d’apprendre, incarne cette figure paternelle déterminée mais vulnérable. Cigaal, son fils, brille par son intelligence et ses rêves, et son personnage devient le vecteur de l’espoir du film. Mais c’est Araweelo, la tante du garçon, qui s’impose comme l’une des figures les plus marquantes du film : une femme autonome, déterminée à bâtir son propre futur, loin des contraintes patriarcales.     

D’un point de vue visuel, « The Village Next to Paradise » est un modèle de finesse.

Son cadre capte la beauté aride et oppressante du désert somalien avec une grande précision, en jouant sur la lumière et les ombres pour accentuer les émotions des personnages. Il compose son image telle une peinture, cherche dans les teintes et les couleurs, dans les reliefs et les textures un sens contrastant avec la misère et la précarité.

Cette image qui devient elle-même un personnage en contrepoids au récit. Car la manière dont le film parvient à capturer la lumière du soleil sur les visages des personnages ou à filmer les paysages infinis du désert est à elle seule une narration silencieuse, fine et délicate.

Et même si le rythme du film est lent, parfois contemplatif, ce qui pourrait déconcerter certains spectateurs.

Cependant, ce tempo posé est parfaitement adapté à l’histoire et à l’ambiance du film, permettant de savourer chaque moment et chaque interaction entre les personnages.

La relation père-fils, en particulier, est d’une grande douceur et d’une grande simplicité, et les dialogues sont souvent laissés dans des silences qui en disent long sur les tensions sous-jacentes.

Une autre force du film réside dans la prestation de ses acteurs. Les trois principaux rôles sont interprétés par des comédiens non-professionnels, ce qui confère une authenticité rare à leurs performances.

Avec une Somalie en toile de fond, le film choisit d’évoquer la situation avec délicatesse et subtilité, sans jugement moral ni dénonciation frontale.

Il s’intéresse plutôt à l’humain, à la manière dont les personnages parviennent à maintenir une forme d’espoir et de dignité face aux circonstances.

Ce refus de la compassion et du misérabilisme reflète la volonté du réalisateur de montrer une Afrique capable de s’émanciper par elle-même, sans la tutelle de l’Occident.

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