Accueil A la une Bientôt mise en application de la nouvelle règlementation sur les chèques : Prudence et incompréhension

Bientôt mise en application de la nouvelle règlementation sur les chèques : Prudence et incompréhension

Décidément, il n’est pas facile d’instaurer un système contrôlant l’usage des chèques, même s’il est dicté par de bonnes intentions. La Tunisie est en train de vivre les controverses d’une telle initiative.

Alors qu’il reste encore un mois pour la mise en application de la loi sur les chèques, et malgré l’importance de l’échéance et surtout ses éventuelles répercussions économiques, cette nouvelle réglementation est loin de faire l’unanimité ou du moins enthousiasmer une bonne frange de la population. Il ne s’agit certainement pas de rejet ou de refus, mais plutôt d’incompréhension, et de certaines réserves vis-à-vis de ses principales clauses.

Pourtant, cette nouvelle réglementation, surtout la question de la dépénalisation des chèques sans provision, a été tant proclamée et exigée même par les différents acteurs socioéconomiques. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Les experts estiment, d’ailleurs, que les réserves émises tiennent compte surtout de la complexité de certaines dispositions et notamment leurs implications.

On pense justement que le plafonnement des montants et la limitation de l’usage sont des facteurs très contraignants pour l’activité commerciale, déjà timide. Plus encore, c’est la physionomie tout entière du marché économique qui serait transformée, négativement bien entendu. Sans parler, bien évidemment du risque d’une éventuelle déstabilisation de l’environnement familial et social.

Car de telles dispositions ne manqueront pas d’impacter sérieusement la consommation, des ménages en premier lieu. Justement, la plupart des foyers, notamment de la classe moyenne, ont systématiquement recours aux paiements par facilité (usage des chèques antidatés) pour pouvoir répondre à leurs besoins et maintenir ainsi un niveau de vie digne. Or, la consommation est l’un des fondamentaux de l’économie, et toute action de freinage serait, certainement, fatale.

Un besoin d’accompagnement et d’alternative

D’ailleurs, selon la Banque centrale, et « pour les neuf premiers mois de 2024, 18,52 millions de chèques ont été émis pour un montant global de 95,62 milliards de dinars ». C’est dire toute l’importance de l’apport de cette pratique dans le maintien de la dynamique économique nationale, surtout que la moyenne de rejet est pratiquement faible. La BCT relève justement que 1, 47% des chèques émis durant les 9 premiers mois de 2024 ont été refusés.

Les risques de la nouvelle loi ne concernent uniquement pas les ménages, mais touchent également les commerçants qui peuvent être, de leur côté, lourdement pénalisés, puisqu’en plus de la question d’écoulement, leur marge de manœuvre en termes d’approvisionnement serait sensiblement réduite.

La mise en place d’une plateforme numérique pour soumettre aussi bien les émetteurs que les nouveaux demandeurs de chéquiers à des expertises « comptables » pour vérifier leur solvabilité est une disposition gratuite. Elle pourrait même constituer une atteinte ou plutôt une violation du principe de la confidentialité.

Et le problème va encore plus loin pour atteindre les entreprises, notamment les PME, qui constituent plus de 80% du tissu économique national. En effet, la mise en application des dispositions de la nouvelle réglementation priveraient cette catégorie d’entreprises « de la flexibilité financière nécessaire à l’accomplissement de leurs transactions et la gestion de leur trésorerie », comme l’affirment certains experts. Ces éventuelles difficultés pourraient conduire, à moyen terme, ces entreprises à l’abandon. Ce qui signifie que si un tel scénario se présentait, il y aurait moins d’entreprises, moins d’emplois et donc moins de sources de revenu.

Ainsi, et face à la délicatesse de l’équation économique, les observateurs pensent qu’il serait plus prudent de reporter la mise en application de cette réglementation et de s’accorder le temps nécessaire pour réétudier en profondeur cette question et anticiper du coup les éventuelles implications.

L’on estime également qu’il est important d’adosser cette nouvelle loi à des mesures d’accompagnement appropriées et d’offrir notamment les alternatives adéquates. Le lancement de lignes de financement spécifiques à des taux préférentiels ou encore la revalorisation de la traite pour qu’elle ne demeure plus une simple reconnaissance de dette mais un mode de paiement tout à fait légal pourraient constituer une bonne parade.

En somme, l’on peut affirmer que la mise en application de la nouvelle réglementation relative aux chèques n’est pas en soi une obligation ou une urgence, mais plutôt un choix. Et tout le monde en convient, l’engagement de tout choix suppose, au préalable, de la réflexion, la planification et, plus important encore, la bonne lecture des enjeux.

Et c’est cette même logique qui justifie tous les appels à la nécessité de revoir certaines dispositions de cette loi, ou du moins de reporter sa mise en application. Le temps de préparer l’alternative.

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