Accueil Culture « Aicha » de Mehdi Barsaoui sur nos écrans: L’être qui renaît de ses cendres…

« Aicha » de Mehdi Barsaoui sur nos écrans: L’être qui renaît de ses cendres…

Le film nous prévient que l’histoire est inspirée de faits réels qui avaient eu lieu post révolution. Cette réalité est fort saisissante, si poignante, on ne peut ne pas en pâtir ! Mais l’apport de l’art réside dans ses dimensions artistiques, autrement dit, le cinéma excelle dans sa manière de transposer le réel esthétiquement, de traiter un fait en disséquant les données avec des outils artistiques.

Aïcha est un film qui traite du social, c’est évident ! Mais c’est aussi un film qui aborde, par-delà le fait divers, une dimension  de la pensée existentielle. Le réalisateur sublime son personnage principal de la localité à l’universalité.  En tant que réceptrice de l’œuvre, c’est la dimension qui m’interpelle le plus !

Aïcha, un sosie  de personnages sartriens ?

En revenant à la pensée existentialiste chez le penseur français Jean Paul Sartre et à ses spéculations qui affirment que « L’homme est à inventer chaque jour » et qu’il est condamné à être libre, une fois émergé à la surface de l’existence, on constate que le personnage Aïcha de Mehdi Barsaoui est un  sosie des personnages sartriens. Elle défie les obstacles qui entravent son existence et se renouvelle à chaque fois qu’elle s’affronte à une dure épreuve. Avec sa physionomie fine, calme et sereine, Aïcha dégage un autre profil tout à fait contrasté à son paraître ; c’est une jolie branche qui persiste aux orages de la vie et du destin,  un être qui renaît de ses cendres. Elle est, en effet, très sartrienne dans la mesure où la volonté d’agir sur son existence comme acte de refus de sa vie tel que l’autre l’a imposée. Cet autre nocif, comme force du mal, se trouve dans l’image des parents, particulièrement la mère, l’amant ( le responsable de l’hôtel), la co-locatrice, son ami le coureur de jupon. À chaque fois, consciemment ou inconsciemment, Aïcha agit de manière tranchante et dépasse l’obstacle : au début, lors de l’accident de travail, elle laisse croire qu’elle était morte et choisit de vivre incognito, en se débarrassant de son identité et de son appartenance géographique ( le village au sud de la Tunisie), elle se défait donc de sa famille qui n’arrête pas de l’instrumentaliser, et de son amant dont elle se venge en volant l’argent de l’hôtel. Après, à la capitale, elle s’affronte à sa co-locatrice et met fin à son exploitation indécente  et elle cause la prison inévitable au coureur du jupon qui a des pouvoirs. Malgré l’acharnement du destin à compliquer les situations dans lesquelles elle se trouve sans le vouloir ou sans le préméditer, elle s’en sort à la fin victorieuse, comme une nouvelle naissance avec une nouvelle identité, un nouveau prénom, Aïcha.

Un regard positif, de l’espoir à l’horizon…

Cette positivité avec laquelle le réalisateur a conçu son personnage, en lui donnant une bouffée d’oxygène de survie, atteste sa vision optimiste. Il prévoit un lendemain meilleur, pour un pays qui s’engloutit dans la médiocrité, la corruption de ses systèmes, les souffrances du peuple, la pauvreté pas seulement matérielle mais aussi morale à travers l’immoralité de certains, l’exploitation du faible, les sentiments d’inhumanité (la scène de jet à la poubelle des aliments sans la permission au personnel ouvrier affamé d’en profiter). La cruauté ne découle pas uniquement du comportement de l’autre supérieur, toutes les circonstances se réunissent à écraser le personnage. C’est un concours de faits extrinsèques et intrinsèques qui s’acharnent sur l’être humain.

Dans ce magma, on remarque qu’Aïcha  fait face à la pauvreté qui ronge sa famille, à l’aridité de la géographie de son village natif, aux souffrances de l’amour à sens unique et aux prétendues promesses de mariage, à l’injustice du destin,à l’absurdité des circonstances dans lesquelles elle se trouve empêtrée jusqu’au cou, sans le vouloir. C’est un peu un personnage tragique qui s’est conduit d’une manière exceptionnelle, déterminée jusqu’au bout. Le réalisateur a mis sur son chemin, non seulement des opposants, mais aussi des adjuvants tels que la pâtissière (joué par Héla Ayed), ou l’agent de l’ordre (Nidhal Saidi), grâce auxquels, elle a abouti à son objectif en se vengeant de ses ennemis et en se renouvelant avec une nouvelle identité, un prénom qu’elle choisit elle-même ! Le chemin de vie de Aïcha était anticipé dès le début par le réalisateur à travers l’image de la route sinueuse entre les collines, traversée par Aïcha pour accéder à son travail. C’est une analogie à son vécu, comme si la géographie détermine les vies des êtres. Malgré l’air sombre, dépréciatif qui règne dans le film, le réalisateur ne cache pas son admiration au pays qui aurait pu être dans des conditions meilleures. Cela est ressenti à travers les belles prises  de vue du pays sur quoi la caméra focalisait au fil du film.

Charger plus d'articles
Charger plus par Faiza MESSAOUDI
Charger plus dans Culture

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *