La Presse — Nous parlions de balcons dans notre dernière livraison. C’était pour relever que ces espaces ont été introduits dans le bâti moderne de notre pays par la colonie européenne à partir de la fin du XIX° siècle et que leurs fonctions correspondaient à un mode de vie totalement étranger au nôtre parce que extraverti alors que, dans nos traditions, notre vie domestique est (était ?) totalement introvertie. Après le départ massif des résidents européens dans les années soixante du siècle passé, les appartements ont été repris par des nationaux mais pas l’usage des balcons qui, du coup, ont été convertis à d’autres fins, elles, généralement étrangères à la destination originelle de ces espaces. Et, au lieu et place d’annexe de détente en famille, de relaxation, voire d’évasion, les balcons ont été transformés en débarras pour toutes sortes de rebus ou en séchoir à linge. Des fois même ils ont été abstraits pour être intégrés dans le périmètre intérieur pour en agrandir la superficie «utile».
On pourrait épiloguer longtemps sur les raisons et la pertinence d’une telle évolution. Mais il est clair que, dans la majorité des cas, cette évolution exprime le rejet de cet élément architectural et, tout aussi clairement, les modifications introduites dans l’usage et dans la configuration de l’objet sont contre-nature et préjudiciables à l’harmonie des façades des immeubles. Dès lors, la question se pose : pourquoi diable nos architectes s’obstinent-ils à en maintenir l’existence ?
Les façades des immeubles
ne sont pas affaire
exclusivement personnelle
Contrairement à l’aménagement intérieur des espaces habités, les façades ne sont pas affaire exclusivement personnelle. Elles relèvent d’impératifs techniques et d’une perception esthétique telle qu’ils s’expriment dans les plans d’aménagement théoriquement élaborés par des spécialistes relevant de plusieurs disciplines : architectes, certes, mais aussi urbanistes, sociologues, historiens, etc. Et le fruit de leur collaboration doit être rigoureusement observé par tous les acteurs concernés.
On dira que, dans le chaos prévalant actuellement dans le paysage urbanistique, on n’en est pas à une entorse près. Soit. Mais qu’est- ce qui empêcherait une tentative de rafistolage de ce paysage par une action de sensibilisation de grande envergure pour amener les propriétaires (ou les locataires) d’appartements dotés de balcons d’égailler ceux-ci par des plantes appropriées. Cela contribuerait à réhabiliter ces mornes façades et à modifier un tant soit peu la perception qu’ont les usagers de leur balcon et donc de leurs rapports avec lui.
Il est de par le monde des mairies qui organisent des concours dotés de prix pour récompenser les balcons les plus joliment fleuris. Leurs communes en sont plus saines et plus attractives et leurs administrés d’autant plus détendus.