Accueil Economie Financement de l’économie:  Les banques doivent s’impliquer davantage

Financement de l’économie:  Les banques doivent s’impliquer davantage

Le système bancaire devra s’adapter en contribuant à mettre en place une industrie bancaire effective à même d’assurer un développement durable. Pour que les banques puissent remplir pleinement leur rôle dans le financement de l’économie tout en améliorant leur rentabilité sociale, les experts économiques estiment qu’il est nécessaire de les restructurer et d’opter pour un nouveau modèle bancaire.

La Presse — Les banques tunisiennes publiques et privées ont toujours été le moteur du développement du tissu économique national. En effet, l’industrie, l’agriculture et le tourisme ont été fortement soutenus par des banques dédiées.  Le système bancaire a traditionnellement un rôle essentiel dans le financement de l’économie en facilitant l’investissement et la croissance.

Le rôle de ces banques devrait jouer un rôle crucial en faveur de la relance économique mise en branle par le gouvernement. Récemment, le Président Kais Saied, lors de son entretien avec le gouverneur de la Banque Centrale (BCT), Fethi Zouhair Nouri, a appelé les banques à s’impliquer davantage dans la dynamique financière du pays. Cette implication sera une étape charnière, à laquelle le système bancaire devra s’adapter en contribuant à mettre en place une industrie bancaire effective à même d’assurer un développement durable.

Le chef de l’Etat a insisté sur la nécessité pour toutes les banques, publiques comme privées, de s’engager dans l’effort national en vue de stimuler l’investissement et simplifier les transactions financières. « L’Etat a ses lois et les transactions commerciales leurs usages, mais l’intérêt supérieur de la Tunisie doit primer sur toute autre considération », a-t-il souligné.

Début de redressement

Le Président de la République a, par ailleurs, appelé à intensifier les efforts pour réduire le taux d’inflation, qui s’élève actuellement à 6,2 %, tout en maintenant un stock stratégique de devises. À ce jour, les réserves en devises permettent de couvrir 122 jours d’importations, un chiffre que le président a présenté comme le signe d’un début de redressement de l’économie tunisienne, dont les retombées positives doivent bénéficier à l’ensemble des citoyens.

Les besoins de financement de l’économie nationale sont couverts ces dernières années par le recours aux emprunts internes et externes. Les opérateurs économiques n’ont cessé d’appeler le secteur bancaire à jouer pleinement son rôle dans le financement des investissements et des projets.

Pour rappel, l’économie tunisienne a pâti  de l’impact de chocs exogènes et endogènes et des défaillances structurelles. Le taux de croissance annuel moyen est passé de 4,3% pendant les années 2000 à 1,7 % durant la décennie 2010, le déficit courant d’une fourchette de 2 à 6% du PIB à une fourchette de 8-11 %. Le recul de la productivité et de l’investissement, passé de 25,4 à 17,8 % du PIB entre 2010 et 2019, a affaibli le potentiel de croissance et la compétitivité de la Tunisie, fragilisant ses équilibres extérieurs.

L’économie reste très dépendante de la consommation des ménages (73 % du PIB), peu diversifiée et exposée aux aléas cycliques des secteurs agricole (9 % du PIB) ou touristique  (5 % du PIB, mais jusqu’à 14 % du PIB de manière indirecte). Les conséquences de la guerre en Ukraine ont ébranlé la timide reprise post-crise sanitaire. La hausse des prix des hydrocarbures et des denrées alimentaires en 2022 a aggravé les tensions financières déjà élevées du pays. Leur évolution reste une menace pour les approvisionnements du pays.

De même, les pressions inflationnistes ont affiché une tendance haussière jamais vue depuis les années 90. De 4,9 % fin 2020, l’inflation est remontée à 10,3 % en mars 2023, alimentée principalement par la hausse, en 2022, des cours internationaux de l’énergie et des produits agricoles largement importés. L’inflation au mois de décembre 2024, se replie à 6,2%.

La dégradation de la situation des entreprises publiques fait aussi peser des risques sur les finances publiques.

Soutenabilité de la dette : craintes croissantes

La trajectoire d’endettement, passé de 46,7 % du PIB en 2013 à 79,4 % en 2022, est jugée insoutenable sans programme de réformes structurelles, d’autant qu’elle ne comprend pas l’endettement des entreprises publiques, qui s’établirait à 40 % du PIB, dont 14 % du PIB serait garanti par l’Etat.  Compte tenu des craintes croissantes sur la soutenabilité de sa dette, la Tunisie fait face à de grandes difficultés pour emprunter et financer ses besoins. Les besoins de financement par emprunt ont doublé de 10 à 20 Mds de dinars en 2020 puis en 2021.

La Tunisie sollicite le marché domestique : les emprunts domestiques ont couvert les deux tiers des besoins en 2021 contre un tiers initialement prévu, les pouvoirs publics ont fait appel à un grand emprunt national complémentaire (2,1 Mds de dinars).

Le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes) a recommandé dans une étude sur « les problématiques de financement de l’économie nationale », la nécessité d’améliorer les performances du système bancaire en vue d’atteindre le niveau de certains pays dans lesquels les crédits représentent plus de 100% du PIB, outre la réduction du recours à la dette extérieure à travers l’amélioration du rendement du secteur bancaire et l’amélioration de l’épargne nationale en tant que moyen essentiel de financement des investissements et de consolidation du processus de développement.

L’étude montre, par ailleurs, que les banques publiques et de développement peuvent être des acteurs majeurs du financement de l’économie et ne représentent pas un obstacle au développement du système bancaire, tant au niveau de la concurrence que de l’accès au financement.

Pour le financement de leurs investissements ou/et de leurs cycles d’exploitation, les opérateurs économiques en Tunisie font principalement recours au système bancaire en premier lieu. L’Etat tunisien n’a pas fait l’exception. Déjà, depuis la promulgation en 2016 de la loi régissant la Banque centrale de Tunisie et l’instauration de son indépendance par rapport à l’Etat tunisien, ce dernier n’a plus de choix pour la recherche de financement de son budget que de faire recours, comme tout opérateur économique, au système bancaire.

Mécanismes de financement

Notons qu’auparavant, le gouvernement a mis en place certains mécanismes de financement de l’économie tunisienne, dont la bonification du taux d’intérêt des crédits d’investissement destinés aux PME est dans la limite de 3%, la même mesure a été instaurée pour le financement des petits agriculteurs céréaliers, la ligne de financement pour les petits métiers et la ligne de financement des entreprises communautaires.

A l’évidence, pour que les banques puissent remplir pleinement leur rôle dans le financement de l’économie tout en améliorant leur rentabilité sociale, les experts économiques estiment qu’il est nécessaire de les restructurer et d’opter pour un nouveau modèle bancaire. Et pour que l’économie soit en mesure de créer de la richesse, « il faut qu’il y ait des investissements, de l’épargne et des ressources. Evidemment, les ressources peuvent varier. Et si on opte vraiment pour ce choix, qui consiste à compter sur nos propres moyens, il faut se donner les moyens pour être en mesure de financer une croissance économique sans être tributaire de l’étranger et des financements extérieurs ».

Charger plus d'articles
Charger plus par Najoua Hizaoui
Charger plus dans Economie

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *