Une étude récente menée par le Centre Ali Ben Ghedhahem pour la Justice Fiscale (organisation indépendante) révèle que la Tunisie a réussi, même partiellement, à éviter l’application des mesures strictes préconisées par le Fonds monétaire international (FMI), notamment la suppression des subventions, le gel des recrutements dans le secteur public et la réduction de la masse salariale.
Lors d’une conférence organisée lundi à Tunis, Amine Bouziane, chercheur et fondateur du centre, a présenté les conclusions de cette étude, lancée en 2023 et finalisée en janvier 2025. Il a affirmé que la Tunisie a su maintenir une certaine distance vis-à-vis des exigences du FMI, en refusant plusieurs de ses conditions.
Cette position découle notamment de la décision du président de la République, Kaïs Saïed, qui a suspendu les négociations avec le FMI en raison des conditions imposées par l’institution, jugées menaçantes pour la paix sociale. Rappelons toutefois que, le 15 octobre 2022, la Tunisie avait conclu un accord préliminaire avec le FMI.
L’étude évalue la pertinence du maintien des subventions sur les carburants, les produits de base et l’électricité, en comparaison avec l’alternative souvent préconisée par les institutions financières internationales : la suppression totale des subventions, remplacée par un système de transferts monétaires ciblés.
Selon Bouziane, la Tunisie a refusé les injonctions du FMI, qui exige la fin des subventions d’ici 2026. Malgré les pressions, le pays a préservé des niveaux élevés de subventions, passés de 4 milliards de dinars en 2019 à 12 milliards de dinars en 2022.
Le chercheur a également souligné que la Tunisie a partiellement contourné les politiques d’austérité prônées par le FMI, telles que la maîtrise des équilibres financiers, la réduction des dépenses publiques, le gel des salaires et la hausse des prix des produits subventionnés. En revanche, elle a atteint certains objectifs financiers, notamment la réduction de la masse salariale, qui devrait passer de 16,1 % du PIB en 2019 à 13 % en 2025. Par ailleurs, les recrutements dans la fonction publique ont repris, avec 8 000 nouveaux postes en 2023, 13 500 en 2024, et 21 000 prévus pour 2025.
Outre ces mesures, la Tunisie a augmenté le salaire minimum garanti dans les secteurs public et agricole, ainsi que les pensions des retraités. Ces efforts ont été accompagnés par une augmentation des dépenses publiques et du budget de l’État.
Bouziane a également mis en lumière les progrès réalisés dans la maîtrise du déficit budgétaire, qui est passé de 7,4 % du PIB en 2023 à 6,3 % en 2024, avec une prévision de 5,5 % pour 2025. Ces résultats, initialement prévus par le FMI pour 2026, témoignent d’une gestion financière indépendante et efficace.
Un autre résultat notable est l’arrêt, pour la première fois, de la hausse du ratio dette/PIB, une tendance inversée grâce au refus de la Tunisie de se conformer aux exigences du FMI.
Cependant, l’étude souligne que l’autonomie financière reste incomplète, notamment en matière fiscale. Bouziane appelle à des réformes plus ambitieuses pour renforcer la justice fiscale, qui permettrait de mobiliser davantage de ressources propres et de limiter la dépendance aux financements internationaux.
Les conclusions de l’étude révèlent aussi l’absence d’un véritable plan national de relance économique basé sur l’investissement public. Pour financer une telle stratégie, Bouziane préconise une mobilisation des ressources financières internes, en misant sur une fiscalité plus équitable. Il cite notamment l’impôt sur les grandes fortunes, introduit dans la loi de finances 2023, comme un levier important.
En conclusion, Amine Bouziane affirme que plus la Tunisie s’éloigne des exigences des institutions financières internationales, mieux elle peut préserver l’intérêt général et garantir une justice sociale durable.