Le porte-parole de l’Association nationale des petites et moyennes entreprises, Abderrazak Houas, a déclaré que l’association soutient l’entrée en vigueur du nouveau système de chèques, tout en appelant à certaines modifications pour l’adapter aux réalités économiques.
Dans un entretien accordé à l’Agence TAP, il a abordé la position des PME concernant le report de l’application de cette réforme et l’initiative parlementaire visant à en différer la mise en œuvre. Selon lui, cette nouvelle réglementation vise à restaurer la véritable fonction du chèque en tant que moyen de paiement immédiat, et non comme un instrument de crédit détourné.
Il a expliqué que la réforme prévoit une plateforme numérique permettant de vérifier la validité des chèques, ce qui renforcerait leur crédibilité et apporterait une dynamique positive à l’économie nationale. Cette mesure devrait contribuer à réduire l’inflation et à limiter l’économie parallèle, souvent alimentée par des transactions opaques.
L’un des principaux avantages de cette réforme réside dans l’élimination des chèques sans provision, fréquemment utilisés entre commerçants, ce qui génère des « bulles économiques ». Il n’est pas rare qu’une entreprise ayant un capital de 70 000 dinars puisse gérer des transactions atteignant 100 000 dinars, créant ainsi des déséquilibres financiers qui finissent par nuire à l’ensemble du tissu économique.
Toutefois, l’association insiste sur la nécessité d’accompagner cette réforme par des mesures complémentaires. Il propose notamment la suppression des peines privatives de liberté pour les chèques sans provision, estimant que la banque doit jouer un rôle plus actif dans l’économie. Plutôt que de se limiter à une position d’observateur, elle devrait soutenir les entreprises en facilitant l’accès au financement.
Houas a rappelé qu’une étude menée par la Banque mondiale en 2018 a révélé que les banques tunisiennes exigent des garanties colossales, allant de 250 % à 400 % du montant emprunté, freinant ainsi le développement des PME. Même en période de crise, notamment lors du Covid-19, certaines banques ont exigé des garanties supplémentaires pour accorder des prêts, et ce malgré la garantie de l’État.
Concernant l’initiative législative visant à reporter l’application de la réforme, il estime qu’elle arrive trop tard et qu’elle modifie en profondeur l’esprit même du texte initial. Il précise que les PME ont, depuis le 2 août 2024, commencé à adapter leurs pratiques en remplaçant les chèques de garantie par des lettres de change, un instrument de paiement différé plus adapté aux transactions commerciales.
Houas s’interroge sur la pertinence de cette initiative parlementaire, soulignant qu’elle propose de réduire le financement des PME de 8 % à 3 % et de diminuer la période de prescription des créances urgentes de trois ans à un an. Selon lui, ces modifications ne concernent pas le simple report de la réforme, mais altèrent profondément la logique du texte.
« Cette proposition ne vise pas uniquement à reporter l’application du nouveau système, mais à en modifier le fondement même. Au sein de l’association, nous avons élaboré une série de propositions concrètes », a-t-il indiqué.
L’association plaide pour un cadre plus équilibré, en instaurant une amnistie générale pour les peines de prison liées aux chèques sans provision, tout en maintenant les droits civils des bénéficiaires. Elle préconise également une transition immédiate vers la nouvelle réglementation, sans période transitoire, afin d’éviter toute ambiguïté juridique. Cette approche a déjà été adoptée par plusieurs pays européens et appliquée dans de nombreuses nations africaines.