Accueil Economie Tissu industriel tunisien: Nouvelle vision, nouveaux horizons

Tissu industriel tunisien: Nouvelle vision, nouveaux horizons

La Tunisie est à la recherche d’une nouvelle politique industrielle depuis des années.  En effet, la volonté était de revaloriser le poids dudit secteur, aussi bien dans le système productif que dans la dynamique sociale, et ce, à travers des interventions et des actions plus accentuées. L’objectif est de renforcer le tissu industriel relativement diversifié mais surtout fragile et largement exposé aux contraintes externes. Ses performances économiques se trouvent plus sujettes à des perturbations.

La Presse — Selon le dernier recensement effectué par l’Apii, le tissu industriel tunisien compte 4.661 entreprises opérationnelles dans l’industrie en 2024, contre 4.702 à la fin de 2023 et 5.333, cinq ans auparavant.

L’année 2024 a été marquée par la fermeture de 41 entreprises qui sont pour l’essentiel des unités concernées par le marché local (entreprises autres que totalement exportatrices ou ATE).

Par ailleurs, le tissu des entreprises totalement exportatrices (TE) n’a pas changé, la fermeture a concerné les usines dans les secteurs du textile et habillement (-11), dans l’industrie de la chaussure (-5) et la chimie (-4) ayant été compensées par la création de nouvelles entreprises industrielles dans l’électricité et l’électronique (+14) et l’agroalimentaire (+10). En effet, outre les industries du textile et du cuir, ce sont les industries des matériaux de construction qui affichent en 2024 les disparitions de sites industriels les plus importantes : -17 entreprises par rapport à 2023 et -97 depuis l’année 2019, soit  le taux de déperdition le plus élevé des cinq dernières années. L’industrie tunisienne qui occupait 533,6 milliers de personnes à la fin de 2023 n’en occupait à la fin de l’année dernière que 526 mille, soit  une perte de plus de 7.500 emplois.

Désindustrialisation

La désindustrialisation de la Tunisie est particulièrement importante dans la région de Sfax. À lui seul, le gouvernorat de Sfax enregistre plus de la moitié des fermetures d’usines : -28 sur les 41 sites pour toute la Tunisie. La région du Grand-Tunis est la deuxième région la plus sinistrée avec la fermeture de 16 entreprises industrielles depuis l’an dernier. Un constat appelant à des stratégies de relance et d’adaptation face aux nouvelles exigences du marché. En revanche, le Sud tunisien affiche en 2024 la création de 12 nouvelles unités industrielles, la plupart localisées à Gafsa, Kébili et Tozeur.

Selon un rapport publié par l’Institut national de la statistique (INS), 3% des dirigeants d’entreprise  industrielle  interrogés affirment que le secteur s’est amélioré au premier trimestre 2024, par rapport au quatrième trimestre 2023. Une hausse minime qui ne masque pas pour autant les nombreux défis auxquels l’industrie nationale est confrontée. En effet, 55,9 % des P.-d.g. interrogés soulignent que leurs activités sont entravées par plusieurs obstacles majeurs. Le manque de pièces de rechange, d’équipements et de fonds nécessaires figure en tête des préoccupations des industriels. A ceci s’ajoutent les problèmes liés à l’approvisionnement en matières premières et les difficultés de commercialisation des produits. Ces difficultés se traduisent par une sous-utilisation des capacités de production, puisque 73 % des premiers responsables affirment que leur production actuelle reste inférieure à son niveau moyen. Ce chiffre, qui était de 76 % au quatrième trimestre 2023, a montré que la reprise est encore fragile.

L’enquête, réalisée du 15 février au 10 avril 2024 et qui a concerné 1.148 P.-d.g. d’entreprises industrielles, met en lumière les difficultés auxquelles le secteur industriel tunisien est confronté, mais aussi la volonté des chefs d’entreprise  de voir les choses s’améliorer.

L’INS s’est penché  également sur le niveau de la production industrielle au cours du deuxième trimestre 2024 qui s’est amélioré dans les secteurs des industries agroalimentaires, manufacturières, des matériaux de construction, de la céramique et du verre. En revanche, il s’est replié pour les secteurs des industries chimiques et du textile-habillement et est resté stable pour les industries mécanique  et électrique.

Défis technologiques, humains et procéduraux

Pour renouer avec un autre palier de production, de productivité, de qualité, ou de capacité d’exportation, les industries manufacturières, à titre d’exemple, se trouvent face à de grands défis : d’abord, un défi technologique. Nos entreprises sont condamnées à être créatives. En d’autres termes, il faut qu’elles pensent à l’innovation. Pour ce faire, elles sont acculées à renier les anciennes pratiques, à changer les modes d’exploitation ou de production. Les entreprises industrielles doivent adopter de nouvelles façons de faire plus adaptées à la spécificité des ressources existantes.

Deuxième défi : celui de la main-d’œuvre. Les entreprises tunisiennes souffrent d’un taux d’encadrement assez faible, ceci est un fait en dépit des améliorations sur ce plan. De plus, il y a une pénurie dans certaines spécialités.  L’autre défi est procédural. Des avancées ont été faites pour réduire les autorisations et simplifier les démarches d’accès à l’entrepreneuriat, mais des efforts restent nécessaires pour accélérer la numérisation des services administratifs afin d’en faciliter l’accès à distance, ce qui est de nature à atténuer la lourdeur bureaucratique et la corruption, autres entraves d’ampleur sur le chemin des initiateurs de projets.

Par ailleurs, il est opportun de rappeler que plus de dix mille entreprises ont mis la clé sous le paillasson, depuis  2011. Ceci a mis en avant la question de l’encouragement et de l’accompagnement, notamment  des jeunes entrepreneurs, qui fait souvent défaut. Mises à part les difficultés d’entrée en activité pour les jeunes entreprises ou les risques d’extinction ou de fermeture de nombre d’entre elles suite aux multiples crises, les firmes encore en activité ne tournent pas à plein régime. Pour cause : la faiblesse de la demande interne et externe, le renchérissement du coût du crédit bancaire, la forte pression fiscale…, autant de facteurs à risques qui défient la résilience et peuvent mettre en jeu la vie de l’entreprise. Et toute la question est là : l’industrie tunisienne, accablée par de tels boulets, peut-elle vraiment rebondir ? En tout état de cause, une nouvelle vision s’impose et l’industrie tunisienne a besoin de devenir plus innovante et plus intelligente. Selon la Stratégie industrielle et d’innovation à l’horizon 2035, « le cadre réglementaire doit être révisé  afin de s’adapter à l’économie du savoir et à l’industrie 4.0. En matière de financement de la R&D et de l’innovation, une véritable synergie doit être assurée entre les industriels, les institutions d’appui et les autres acteurs « soft » de l’écosystème industriel ». D’après la même source, de 2021 à 2035, l’industrie tunisienne doit intégrer les technologies du XXIe siècle, devenir plus créative, plus innovante et plus intelligente. « L’industrie manufacturière tunisienne, en l’occurrence, opère en deçà de son potentiel, elle doit préserver ses acquis, se régénérer et se lancer dans des filières et des technologies émergentes en favorisant les activités à valeur ajoutée plus élevée ».

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