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N’empêche, il est sensible aux problématiques des réfugiés palestiniens et de leur droit au retour à leurs foyers, villes, villages, champs et vergers dont ils avaient été expulsés d’une manière sanglante et moyennant des passages au fil de l’épée par les hordes sionistes. Ses rapports consignés dans les archives de l’Onu sont on ne peut plus clairs à ce propos. « Ce serait offenser les principes élémentaires que d’empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et de plus menacent de façon permanente de remplacer les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles », écrit-il. Il critique « le pillage sioniste à grande échelle et la destruction de villages sans nécessité militaire apparente. »
Aussitôt une campagne de presse acharnée à son encontre est déclenchée dans la presse sioniste. Le 24 juillet 1948, il rencontre deux membres du Lehi. Fin juillet, le Lehi menace Bernadotte de mort : « Nous avons l’intention de tuer Bernadotte et tout autre observateur des Nations unies en uniforme qui viendra à Jérusalem ». Interrogés sur leurs motivations, les porte-parole du groupuscule génocidaire assènent «que leur organisation était déterminée à ce que Jérusalem soit sous l’autorité de l’État d’Israël et qu’elle ne permettrait pas d’interférence de la part d’une organisation nationale ou internationale ».
Le 1er août 1948, Israël Eldad, l’un des trois dirigeants du Lehi, adresse lors d’une réunion publique : « une mise en garde aux observateurs des Nations unies [et] aux généraux de Bernadotte… Nous emploierons contre les représentants d’un pouvoir étranger les mêmes méthodes que nous avons employées contre les Britanniques. »
Les tueurs récompensés, portés aux hautes charges
Avant son assassinat le 17 septembre 1948, le comte Bernadotte avait envoyé au secrétaire général de l’Onu un grand nombre de rapports sur le nécessaire retour des expulsés palestiniens, sur le statut international d’Al Qods et sur un nouveau plan de partage de la Palestine.
Le 17 septembre 1948, après avoir franchi un barrage israélien, le convoi du comte Bernadotte est arrêté par une jeep. Trois membres du Lehi, revêtant l’uniforme de l’armée sioniste, l’arrosent de balles. Le comte Bernadotte est abattu de six balles à bout portant et le colonel français André Sérot en reçoit 18, au moyen du pistolet-mitrailleur allemand.
Les tueurs seront récompensés. Nathan Yalin Mor est élu à la Knesset lors des premières élections législatives israéliennes en janvier 1949 et le tueur du comte Bernadotte et du colonel Sérot, Yehoshua Cohen, devient le garde du corps personnel de Ben Gourion dans les années 1950. Yitzhak Shamir, le chef des opérations militaires du Lehi, l’un des trois décideurs de l’assassinat du comte en tant que membre du « Centre » du Lehi, devient un des cadres supérieurs du Mossad après 1950 et y reste des années, avant de s’engager dans l’action politique, devient président de la Knesset de juin 1977 à mars 1980 et sera également ministre plusieurs fois et Premier ministre à deux reprises.
La Tunisie n’oublie pas
La semaine dernière, le Président de la République, Kaïs Saïed, a reçu l’imam de la mosquée Al-Aqsa et président de la Haute instance islamique d’Al Qods. Il a évoqué la ferme position de principe de la Tunisie qui rejette catégoriquement tout projet de délogement et de transfert des Palestiniens, rappelant à ce propos les opérations de délogement massif survenues en 1948 et qui ont visé plus de 85% de la population palestinienne des territoires occupés à l’époque par les forces sionistes, aux termes du communiqué de la présidence de la République. Rapportant les faits, l’agence TAP estime que le Chef de l’Etat a rappelé l’assassinat du médiateur onusien en Palestine de l’époque, Comte Folke Bernadotte, qui fut lâchement assassiné par les bandes sionistes sur fond de ses initiatives de paix, dont notamment la reconnaissance aux Palestiniens ayant dû quitter leurs foyers suite aux hostilités leur droit de retour sans nulle condition ainsi que leur droit à récupérer leurs biens et propriétés.
C’est dire que la Tunisie n’oublie pas. Pourtant, à droite comme à gauche, et même dans les couloirs de l’ONU et de la diplomatie de ladite communauté internationale, l’amnésie est devenue l’acte muet de la politique. Ô temps, ô mœurs !