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Les récentes secousses sismiques en Turquie, au Maroc et en Grèce rappellent que la région méditerranéenne est une zone de forte activité tectonique. La Tunisie, bien que moins exposée aux séismes de grande magnitude, reste concernée par ce phénomène. Quels sont les risques réels pour le pays ? Sommes-nous suffisamment préparés face à une éventuelle catastrophe ? Hassen Hamdi, Chef de service de recherche et développement en géophysique à l’Institut National de Météorologie, nous éclaire sur cette question cruciale.
Le séisme dévastateur en Turquie, en février 2023, le tremblement de terre au Maroc en septembre 2023 et la série de secousses sur l’île de Santorin, en Grèce, début 2025, sont des rappels frappants des dangers que représentent ces phénomènes naturels. À la lumière de ces événements récents, peut-on affirmer que la Méditerranée se trouve sur une zone sismique active qui peut représenter un danger potentiel pour la Tunisie ?
La région méditerranéenne, et plus particulièrement le Moyen-Orient, est un véritable carrefour sismique, où les secousses telluriques sont fréquentes et souvent puissantes. Des événements tragiques, tels que le séisme dévastateur en Turquie en 1999 et celui qui a frappé le Maroc en 2023, ont mis en évidence la vulnérabilité de cette zone aux catastrophes naturelles.
Les séismes méditerranéens trouvent leurs origines dans la dynamique des plaques tectoniques, ces immenses morceaux de la croûte terrestre qui flottent sur le manteau terrestre. Dans cette région, les plaques eurasienne et africaine se confrontent, une rencontre générant de puissantes tensions à mesure que ces plaques glissent, s’éloignent ou se frottent l’une contre l’autre. Lorsque ces tensions deviennent trop grandes, elles se libèrent brutalement sous forme de secousses telluriques : des séismes.
Les structures géologiques qui en résultent, telles que les failles et les plissements de la croûte terrestre, sont responsables de l’activation de ces tremblements de terre. Dans le cas des séismes intra-plaques, la déformation se produit au sein même d’une plaque tectonique, loin des frontières entre plaques. Ce phénomène est souvent associé à des failles qui, bien qu’inactives depuis des millions d’années, peuvent se réactiver sous certaines conditions géologiques, déclenchant ainsi des secousses localisées.
Les séismes en Méditerranée sont principalement le résultat de la rencontre de deux grandes plaques tectoniques : la plaque eurasienne et la plaque africaine. Ces deux plaques se déplacent lentement, mais inexorablement l’une vers l’autre, générant une intense activité sismique au niveau des zones de collision.
En conséquence, de puissantes secousses telluriques peuvent être ressenties, non seulement au niveau des frontières de ces plaques, mais aussi à l’intérieur des plaques elles-mêmes, ce qui explique les séismes intra-plaques. Dans le cas de la Turquie, du Maroc et de la Grèce, ces tremblements de terre ont été causés par cette dynamique tectonique qui résulte du mouvement de failles actives sous les plaques ou à leurs frontières qui se sont réactivées. Par exemple, le séisme de février 2023 en Turquie a été causé par le glissement de la faille de l’Anatolie, une grande faille transformante entre les plaques eurasienne et arabe.
Peut-on rappeler quels sont les récents tremblements de terre qui ont eu lieu ces dernières années ?
Le 6 février 2023, deux séismes puissants ont frappé le sud de la Turquie. D’une magnitude de 7,8 et 7,5, ces secousses ont causé une immense dévastation, tuant des dizaines de milliers de personnes et laissant des millions de sans-abri. La région touchée se situe près de la frontière syrienne, dans une zone particulièrement vulnérable aux secousses en raison de l’activité de la faille de l’Anatolie.
Le 8 septembre 2023, un séisme de magnitude 6,8 a secoué le Maroc, frappant principalement la province d’Al Haouz, au sud-ouest de Marrakech. Ce tremblement de terre a fait près de 3 000 victimes et plus de 5 500 blessés. Il s’est produit dans une région montagneuse, où les failles géologiques sont particulièrement actives, dues à la convergence des plaques africaines et eurasiennes.
Depuis le 27 janvier 2025, l’île de Santorin, en Grèce, a été secouée par une série de séismes de faible magnitude, oscillant entre 4 et 5 sur l’échelle de richter. Avec plus de 14 000 secousses enregistrées jusqu’au 11 février 2025, cette activité sismique intense a conduit plus de 11 000 personnes à évacuer l’île. Les experts estiment que cette séquence pourrait durer plusieurs semaines, rendant la situation préoccupante.
Ces secousses sont liées à l’activité volcanique sous-jacente dans la région, alimentée par la rencontre des plaques eurasienne et africaine. Quel est le risque sismique pour la Tunisie ? Est-il élevé ?
La Tunisie, bien que située à l’écart des grandes failles tectoniques actives telles que celles de la Turquie ou du Maroc, n’est pas pour autant épargnée par l’activité sismique. Le pays est situé à la frontière des plaques eurasienne et africaine, et bien qu’il ne connaisse pas de tremblements de terre aussi violents, il subit régulièrement des secousses d’intensité faible à modérée.
En Tunisie, l’activité sismique est en grande partie liée à ces failles géologiques, héritées des mouvements des plaques tectoniques qui ont façonné le continent africain au fil des âges géologiques.
Ces failles, bien qu’elles soient en grande partie invisibles à l’œil nu, traversent le pays et provoquent des secousses régulières. La Tunisie est située dans la zone de convergence entre les plaques africaines et eurasiennes, un contexte qui la rend particulièrement sensible à l’activité sismique.
Les failles orientées Nord-Ouest-Sud-Est, Est-Ouest et Nord-Ouest Sud-Est traversent la région et peuvent être responsables des séismes d’intensité faible à modérée. Ces failles sont souvent réactivées lors de mouvements tectoniques, provoquant des secousses localisées sur tout le territoire tunisien, du nord vers le centre et les côtes Est du pays ainsi que le Cap Bon. Ces failles présentes sur le territoire tunisien sont des témoins de la dynamique complexe qui a façonné la région au cours des derniers millions d’années.
Les structures géologiques du pays, notamment la plateforme orientale et les zones de diapirs, sont un terrain favorable à l’apparition de séismes. Ces mouvements peuvent parfois donner lieu à des secousses modérées, mais non moins inquiétantes pour les populations locales.
Les principales zones de risque en Tunisie sont celles proches des failles géologiques, notamment dans les régions du Cap Bon, de Monastir, de Sfax et de la plateforme orientale. Ces failles peuvent provoquer des séismes intra-plaque, similaires à ceux observés dans le sud de l’Italie ou dans le sud de la Grèce.
Cependant, contrairement aux pays voisins comme la Turquie, le Maroc ou la Grèce, la Tunisie est moins exposée à des séismes de fortes magnitudes, tels que ceux observés récemment. La dernière grande secousse en Tunisie date de 1995, avec un séisme de magnitude 5,0 à Sfax. Ce type de séisme reste cependant modéré comparé à ceux enregistrés en Turquie ou au Maroc.
Néanmoins, la réactivation des failles en raison des tensions tectoniques pourrait provoquer des secousses plus fortes, bien que leur fréquence soit faible. Même si la Tunisie ne présente pas les mêmes niveaux de risques que la Turquie, le Maroc ou la Grèce, elle n’est pas totalement à l’abri des tremblements de terre.