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Les résultats de la 7e édition du baromètre de santé des PME tunisiennes « Miqyès » ont été dévoilés hier. Entre adaptation et persévérance, les entreprises tunisiennes continuent, malgré des difficultés qui persistent, de remonter la pente et de se projeter vers l’avenir avec optimisme.
LA PRESSE — C’est lors d’une conférence de presse tenue hier à Tunis que les résultats de cette édition ont été présentés. Lancée par la Conect, en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le Développement (Pnud), cette initiative vise à offrir aux acteurs de l’écosystème un outil d’aide à la décision.
Livrant une analyse détaillée des résultats, l’expert en économie, Abdelkader Boudriga, a exposé les chiffres issus de l’enquête réalisée auprès de 500 entreprises. En effet, plus de 64 % des entreprises affirment avoir réalisé un bénéfice en 2023, tandis que 31 % d’entre elles ont enregistré une régression de leur chiffre d’affaires. À noter que plus de 71 % des PME dirigées par des femmes ont déclaré des bénéfices en 2023. « Ce chiffre traduit la perception différente qu’ont les femmes de la notion de bénéfice par rapport aux hommes », a commenté Boudriga.
Les résultats montrent par ailleurs que les PME affichant une forte croissance sont principalement situées dans les régions du Nord-Est, du Grand Tunis, du Nord et du Centre-Ouest, mais aussi celles qui sont exportatrices, jeunes et de grande taille.
Accès au marché et une ouverture encore limitée
Concernant l’accès au marché, les données confirment une tendance bien connue: les PME tunisiennes restent majoritairement tournées vers le marché local (69 %). Toutefois, 57 % des PME exportent vers l’Union européenne, principalement depuis les régions côtières.
En ce qui concerne le marché public, près de 77 % des PME déclarent ne pas y avoir participé, tandis que moins de 11% des PME du secteur des services réussissent à y décrocher des contrats. L’enquête s’est également penchée sur le refus de marché, un indicateur qui, selon Boudriga, peut traduire une bonne santé financière. « Si une entreprise refuse un marché, c’est qu’elle est prospère », a-t-il expliqué. Or, les PME tunisiennes refusent de moins en moins d’opportunités, un phénomène lié, selon l’expert, aux conditions de financement et à la faible rentabilité. Les PME les plus contraintes, autrement dit celles qui acceptent tous les contrats faute d’alternative, sont majoritairement situées dans les zones intérieures et dirigées par des femmes.
Autre point clé soulevé : l’ouverture du marché. Avec un score moyen de contestabilité négatif de -0,348, il ressort que les dirigeants d’entreprises perçoivent le marché comme peu ouvert. Selon Boudriga, la contestabilité semble être positivement liée au développement des dynamiques entrepreneuriales, la nature de la propriété et le type d’activité (B2G).
Accès au financement, un défi majeur
L’accès au financement reste un enjeu crucial pour les PME tunisiennes. Près de 81% des entreprises considèrent l’accès aux crédits bancaires de long terme comme difficile.
Paradoxalement, près de la moitié des PME ont déposé aucune demande de financement. 55 % considèrent le leasing comme la source de financement la plus accessible. Un autre chiffre à analyser : 40 % des demandes de financement bancaire sont acceptées.
Selon l’expert, les entreprises pratiquent souvent une auto-exclusion du système bancaire. Cela s’explique par un historique de refus des banques, mais aussi par les exigences élevées des financements bancaires par comparaison avec le leasing, jugé plus flexible.
Par ailleurs, l’enquête met en lumière le recours au paiement différé : près de 80 % des entreprises vendent et achètent à crédit, avec 58 % utilisant le chèque comme moyen de paiement. Cependant, dans les régions du Sud, du Nord et du Centre-Ouest, les ventes à crédit se font en majorité sans moyen de paiement.
« Il y a une sous-bancarisation des régions, ce qui fait que le chèque n’est pas disponible. Un autre aspect, c’est le type d’affaires et la proximité des relations commerciales. Ce type d’affaires, encore présent dans les petites villes, permet de vendre sans moyens de paiement », conclut l’expert.