Accueil A la une Tribune: La défense de nos frontières occidentales durant la guerre d’indépendance de l’Algérie (1956-62)

Tribune: La défense de nos frontières occidentales durant la guerre d’indépendance de l’Algérie (1956-62)

En vue d’assurer l’invulnérabilité de nos frontières avec l’Algérie, ce pays frère colonisé par la France, en 1830, et qui a déclenché sa guerre d’indépendance le 1er novembre 1954, soixante postes frontaliers tunisiens partant de la mer Méditerranée au nord et allant au sud, jusqu’au Grand Erg Oriental, à Bordj El Khadhra, ont été créés, dès la proclamation de l’indépendance tunisienne, et veillaient jour et nuit, été comme hiver, sur nos frontières occidentales. C’étaient les postes suivants:

1-Secteur du 2° bataillon (gouvernorat de Jendouba) :

1- Ain Baccouch, 2- Ain Saïda, 3-Fej el Kahla (Babouch), 4-Adissa, 5-Rouii,

6-Ain Sarouia, 7-Sidi Kaddour 8-BouDalaa ; 9-Souk Halima, 10-El Ghorra,

11-Ain Soltane, 12-El Faija, 13-El Gueliaa,14-Sraia,15-Giani Zini,16-Ferme Dubois.

2 – Secteur du 8° bataillon (gouvernorat du Kef):

17-Ain Zana,18-Oued Zitoun,19-Ain Oum Jera,20-Sakiet Sidi Youssef,21-Ain Kerma,22-Oued El Malah, 23-El Biar ( sidi Rabah) 24-El Gouaten,(il s’agit d’un poste composé de quelques guitounes et installé au pied de jebel Sidi Ahmed auquel cette appellation a été donnée ; ce poste se trouvait face au village minier d’El merij en Algérie ), 25-Sidi Ahmed, 26-Bou-ghanem, 27-El Felta, 28-Bir Hamida, 29-Bou Jabeur, 30-Jerissa, 31-Kalaa Jardaa( Kalaa Khasba).

3 – Secteur du 3° bataillon (gouvernorat de Kasserine) :

32-Loubira,33-Sraï, 34-Hydra, 35-Remila,36-AinBouderias,37-Bouchebka,38-Tamesmida, 39-Dernaya, 40-Kchem el Kelb, 41-Telepte, 42-Bordj oum Ali,43- Feriana.

4 – Secteur du 4° bataillon (gouvernorat de Gafsa) :

44-Om Lagsab, 45-Foum el Khanga, 46-Midès, 47-Tamerza,48-Chbika,

49-Redeyef, 50-Métlaoui, 51-Hézoua,

5- Secteur des Unités Sahariennes (gouvernorats de Gabès et de Médenine): à partir de juillet 1958:

52-Rjim Maatoug, 53-Bir El Gonna, 54-Bir Aouine, 55-Garaat Sabeur,56-Tiaret,

57-Mchiguig, 58-Bordj Leboeuf (Bordj Bourguiba), 59-Fort Saint (Bordj El Khadra), 60- Remada.

6-Postes créés en 1980 après les événements de Gafsa :

61- Sidi Touai  62- BirAli  63- El Ghorrifa  64- Ksar elmourra  65-Mechhed Salah

Ces postes qui ont été maintenus jusqu’en 1962, date de l’indépendance de l’Algérie, ont été, avec le temps, agrandis et organisés. Bien sûr, ils ont tous fait l’objet de travaux d’organisation du terrain avec des tranchées de protection et de circulation entre les casemates et les positions de tir pour la protection contre les tirs d’artillerie ou de mortiers venant de l’autre côté de la frontière, à titre de provocation ou d’intimidation. Ces postes, étant donné leur importance, devraient être commandés par des officiers. Cela ne fut guère possible du fait du manque d’officiers et nous étions heureux d’avoir des sous-officiers pour le faire. Les conditions de vie étaient dures mais les soldats avaient quand même des lits de camp en toile. Les personnels recevaient, régulièrement, le ravitaillement et les produits frais étaient fournis tous les trois jours lorsque les moyens de transport étaient disponibles. Le grand problème auquel les autorités politiques ont eu à faire face était le manque d’armement pour équiper les personnels des unités créées car les pays occidentaux, par solidarité avec la France, ont décidé, durant une bonne période, de ne pas nous vendre les armes dont nous avions besoin, sous prétexte que cet armement pourrait être cédé à l’Armée de Libération Nationale algérienne. Heureusement que le Président Nasser, d’Egypte, nous a fourni un bateau de fusils °Hakim° avec leurs munitions. Plus tard, le Président Tito, de Yougoslavie, nous a délivré des fusils * Mauser*, des lance-roquettes anti-chars et des mortiers avec leurs munitions.

Les activités quotidiennes au poste étaient très bien organisées : une partie de l’effectif s’occupait des aménagements de la position, de l’amélioration des postes de combat et de l’instruction, une autre partie effectuait des patrouilles, sur la piste longeant la frontière pour vérifier si des mines ont été posées par les harkis de l’armée française et pistait d’éventuelles infiltrations. Les premières patrouilles de la journée étaient effectuées, à pied, très tôt le matin et étaient d’environ sept à dix kilomètres à l’aller et au retour. Elles étaient destinées à vérifier s’il n’y avait pas eu de pose de mines, la nuit, et c’est cette manière de procéder qui nous a permis de déceler la présence de mines anti-chars posées sur le gué d’un petit ruisseau ( Oued El Malah) à près de 5 Km au sud de Ain Karma, région de Sakiet, et a sauvé la vie d’une famille. Cette procédure a été prise suite à la découverte par une de nos patrouilles d’une mine anti-char placée sur un gué sur Oued el Malah, un très petit ruisseau mais un passage obligé aussi bien pour les véhicules que pour les piétons et situé à près de cinq km au sud du poste d’Ain Karma et cela après le passage, très tôt le matin, du omda de Tajerouine, qui, accompagné de 4 de ses enfants en bas âge, avait passé la nuit, chez ses proches à Sakiet Sidi Youssef. Ce omda, gros propriétaire terrien qui conduisait sa voiture a évité la mine sans le vouloir parce qu’il n’était pas un bon conducteur. Et cette erreur de conduite lui sauva la vie ainsi que celle de ses enfants. Et le poste militaire d’Oued El Malah a été implanté le jour même. Ce poste a longtemps intrigué l’aviation française parce qu’étant totalement enterré, on n’apercevait ni guitoune ni construction mais uniquement le Drapeau tunisien qui flottait à près de 10 mètres au-dessus du sol. D’ailleurs, le personnel de ce poste a, bel et bien mérité, le mouton offert par le Colonel Lasmar Bouzaiane, le Commandant de la Subdivision nord, lors de sa première visite, ayant été admiratif et satisfait du travail du chef de poste qui a été à l’origine de cette °architecture ° toute particulière et de l’application du personnel du poste qui s’est fait remarquer par son dévouement, son efficacité et son souci de terminer les travaux de construction du poste en un temps record. Les congés étaient rares mais le moral était toujours élevé et il n’y a jamais eu de désertion ou d’absence illégale. Tous ces jeunes ont fait preuve d’un nationalisme et d’un amour pour la patrie remarquables. Nous, les jeunes officiers, de retour au pays début 1958, après avoir terminé notre formation à l’Ecole militaire de St Cyr, avons eu l’honneur de commander des soldats de ce contingent qui, à trois ou quatre ans près, avaient le même âge que nous. Une grande complicité était née avec ces jeunes soldats et indépendamment du grand respect qu’ils nous portaient, ils étaient très proches de nous et pendant les moments de repos, il nous arrivait de jouer, ensemble, au foot et nous prenions et régulièrement, le même repas, ce qui nous rapprochait les uns des autres, et cela était excellent pour le moral et pour le bon accomplissement de la mission.

Aussi et à notre retour en Tunisie, après notre formation à l’Ecole militaire de St Cyr, j’ai eu la chance de faire partie du groupe d’officiers, composé de sept officiers d’infanterie et d’un officier du génie qui a été désigné pour servir au 2° bataillon d’Aïn Draham couvrant les gouvernorats de Souk Larbaa devenu Jendouba et du Kef, avec des compagnies implantées à Ain Draham, à Ghardimaou, à Souk Larbaa, au Kef, à Sakiet sidi Youssef, à Boujabeur ( une mine de plomb désaffectée située à un Km de la frontière et à 6 Km de Kalaat Senam), à Sidi Ahmed et un remarquable Centre d’instruction à Tabarka; celui-ci occupe une très belle caserne qui surplombe la ville et sa plage. Je me souviens que notre Commandant de Bataillon, feu le Colonel Lasmar Bouzaiane, commandant à cette époque, chef remarquable et très proche de ses hommes, a eu l’intelligence et la pédagogie nécessaires pour nous détacher, durant trois mois, au Centre d’Instruction de Tabarka, pour nous permettre, comme il l’avait dit lui-même, de nous familiariser avec le commandement en arabe d’une part et d’autre part avec les cadres sous-officiers que nous côtoyons pour la première fois de notre carrière. Son idée, ingénieuse, a été très intéressante puisqu’elle nous facilita, énormément, la tâche. Je n’oublierai jamais que, dans ce Centre d’instruction et pour pallier le manque d’armement adéquat, le tir du fusil mitrailleur ou de la mitrailleuse était remplacé, dans les exercices de combat, par le sifflet d’arbitre qui, en ronronnant, faisait un bruit représentant le tir par rafales. 

La Tunisie, compte tenu de ses positions solidaires avec l’Algérie combattante, et consciente de l’avenir commun du Maghreb, s’attendait aux réactions violentes de l’armée française d’Algérie, du fait de l’aide que nous apportions à l’ALN. En effet, les incursions des troupes françaises ont été fort nombreuses et parfois d’une intensité et d’une brutalité inacceptables :

Le 22 octobre 1956, l’Armée française d’Algérie s’empara, en plein vol, de l’avion qui transportait du Maroc une délégation algérienne au sommet maghrébin de Tunis composé de Mohamed Boudiaf, Ahmed Ben Bella, Houcine Ait Ahmed, Mohamed Khider et Mustapha Lachref,

Le 24 octobre 1956, des soldats français voulant forcer des barrages dressés entre Ain Draham et Jendouba par la population pour les empêcher de se déplacer sans autorisation, un accrochage s’est produit et entraîna des blessés,

Trois semaines plus tard, et sans demander l’autorisation au gouvernement tunisien, les autorités militaires françaises présentes en Tunisie, installèrent des équipements radar sur les hauteurs de Bir Drassen (Cap Bon). Les populations ont protesté et il y a eu deux morts et des blessés.

Dans le but d’éviter les frictions et de rapprocher les points de vue des deux gouvernements, la France, en vue de prouver ses bonnes intentions, décide de remettre au gouvernement tunisien la caserne de La Kasbah à Tunis le 21 mars 1957.

En mai 1957, fuyant les ratissages, les arrestations, les tortures, les assassinats et les massacres, des Algériens, hommes, femmes et enfants se sont réfugiés en Tunisie. Des unités de l’armée française les ont poursuivis dans les cheikhats des Ouled Mssallem et des Khemairia, dans la région d’Aïn Draham. L’Armée tunisienne et la Garde nationale tentant de les protéger et leur porter secours se sont trouvées face à face avec elles, le 31 mai et ce fut l’affrontement qui eut pour résultat la mort de neuf membres et la blessure de plusieurs autres du côté des forces de l’ordre tunisiennes. Monsieur Khemaies Hajri, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères qui se rendait pour examiner la situation des réfugiés algériens en vue d’en rendre compte au HCR (Haut-Commissariat pour les Réfugiés à Genève ) et qui était, malencontreusement, de passage par là, a été grièvement blessé et décéda quelques jours plus tard, suite à ses blessures. Il était accompagné de feu Beji Caied Essebsi, Directeur Général de l’Administration Régionale au ministère de l’Intérieur.

Début juin 1957, un accrochage à El Hamma de Gabès eut lieu et coûta la vie à deux soldats français.

Ces graves incidents eurent pour conséquences l’arrangement proposé par le gouvernement de Bourges Maunoury permettant l’évacuation de l’armée française de tout le territoire tunisien à l’exception de Bizerte, l’Aouina, Gafsa, Sfax et Remada et l’application de l’évacuation commença en juillet par les casernes de Tozeur, Kairouan, Jendouba, Sbeitla et Le Kef.

Le 1er septembre 1957, une incursion eut lieu du côté de Hydra et s’attaqua à des forces de l’Armée tunisienne et de la Garde nationale qui se portèrent à sa rencontre.

Le 5 septembre 1957, une incursion au cheikhat des Khemairias, région d’Ain Draham, a fait deux morts parmi les Tunisiens.

Le 11 septembre 1957, une incursion eut lieu dans la région de Kasserine et quatre citoyens tunisiens furent enlevés ; quatre autres l’ont été à Redeyef.

Cependant, le commandement de l’Armée française à Alger veut aller plus loin; il veut étendre le droit de poursuite, en Tunisie, à une profondeur de 25 km et prépare une « reprise de contrôle temporaire du territoire tunisien ». En fait, ce ne fut qu’une intention.

Les 1er et 2 octobre 1957, les troupes françaises soumettent le village de Sakiet Sidi Youssef à des tirs d’artillerie lourde et violent l’espace aérien usant d’armes automatiques, tuant une jeune fille et blessant une dizaine de civils pour la plupart des enfants.

En vue de détendre l’atmosphère, le gouvernement de Bourges Maunory autorise le transfert des casernes d’El Hamma de Gabès, des locaux restants de la caserne Forgemol à Tunis et l’armée française se retire, début décembre des casernes de Medenine, de Tataouine, de Ben Guerdane et de Zarzis.

Cependant, les différents gouvernements français, soucieux de relancer les négociations avec le gouvernement tunisien ont vu leurs efforts bloqués par l’attitude du commandement militaire français d’Algérie. Celui-ci procéda, le 2 janvier 1958, avec une colonne de vingt blindés, au franchissement de la frontière, du côté de Sendes, dans la région de Redeyef, encercla la localité de Foum el Khanga, procéda à des perquisitions, puis se retira emportant effets et argent trouvés dans le village, enleva dix hommes et en tua trois autres.

Le 11 janvier 1958, 200 moujaheds algériens attaquent en territoire algérien une patrouille française de cinquante soldats (quatorze soldats français tués, deux blessés et quatre faits prisonniers). Le commandement basé à Alger avise Paris que « des bandes d’assaillants algériens, repérés par l’aviation française, franchissent la frontière à partir de la Tunisie et se répandent dans les fermes et les mechtas (groupement de maisons en dehors d’une agglomération) algériennes et que les véhicules de la Garde nationale tunisienne stationnent de plus en plus à la frontière en position d’accueil ».

Conscient de la gravité de la situation, le premier ministre Bourguiba soutient que l’engagement s’est produit loin de notre territoire alors que le général Salan met en cause l’entière responsabilité de la Tunisie qui héberge et aide les combattants algériens et leur permet d’utiliser son territoire comme bases de départ.

Le président du Conseil Felix Gaillard, voulant montrer son énergie et son mécontentement dépêcha, par avion spécial, le Général Buchalet et son chef de cabinet, porteurs d’un message au Président Bourguiba relatif à cet accrochage. Il voulait aussi demander au gouvernement tunisien de mettre fin à l’aide fournie aux combattants algériens d’une part, et d’autre part de restituer les soldats français faits prisonniers par l’ALN. L’envoi de pareille délégation ayant été considéré, par la Tunisie, comme un ultimatum, Bourguiba refusa de la recevoir. Celle-ci rentra à Paris bredouille. Cette situation envenima davantage les relations entre les deux pays. La presse conservatrice parle d’affront diplomatique et de « nouvelle version des coups d’éventail ».

C’est encore sur la frontière algéro-tunisienne, au djebel Tarf, à l’ouest de Tebessa, que vers la mi-janvier 1958, eut lieu l’un des plus importants accrochages entre des éléments de l’ALN et des unités de l’armée française fortement appuyées par l’aviation et des hélicoptères. Le bilan était lourd et catastrophique : des dizaines de soldats français tués, et une grande quantité d’armes légères et collectives récupérée. Cet accrochage eut pour résultat la multiplication de la violation du territoire tunisien par l’aviation française.

D’autre part, un avion T6 a été touché le 30 janvier 1958 par la D.C.A. (défense anti-aérienne) tunisienne et a été obligé de se poser en rase campagne en Algérie, non loin des frontières. De même, un autre avion T6 a été l’objet de tirs tunisiens dans la région de Sakiet le 7 février 1958. Le 8 février vers 09h00, un autre avion a été gravement atteint par des tirs provenant de Sakiet ; celui-ci a subi d’importants dégâts qui l’obligèrent à se poser en détresse à Tébessa. Et c’est suite à cela que le général Salan, le commandant en chef en Algérie, a ordonné, en représailles, le bombardement de Sakiet Sidi Youssef avec les résultats et la réaction du gouvernement tunisien que nous connaissons. D’autre part, le commandement militaire français d’Algérie a utilisé d’autres subterfuges pour s’opposer aux réactions de l’Armée tunisienne sur la frontière et on peut citer, entre autres:

1- Lorsque nous avons implanté le poste de Bir Hamida, face à la ville minière d’Ouenza, en Algérie, et à la même latitude que Tajerouine, poste tenu par un groupe de onze militaires, ce poste a été attaqué, assez tard, la nuit, par des harkis algériens venus de Djebel Ouenza, en Algérie, le surlendemain de son implantation. La riposte de nos éléments a été fulgurante puisque l’ennemi attaquant a été, aussitôt, mis en déroute laissant deux morts sur le terrain, morts que nous avons enterrés, le lendemain, à un kilomètre de là ;

2- Cependant, l’Armée française d’Algérie, a voulu se venger quelques semaines plus tard, en lâchant, sur la frontière algéro-tunisienne, en face du même poste, un mulet portant deux caisses avec l’inscription, en arabe du mot ° munitions°. Cet animal a été trouvé, par hasard, par un paysan tunisien qui l’a conduit au Omda du coin lequel, à son tour, l’emmena au Délégué du gouverneur de Kalaat Snem. Le Délégué a interdit à son personnel de toucher aux caisses et appela le responsable militaire le plus proche de lui, feu le Lt Azzouz, commandant la compagnie de Bou Jabeur, implantée sur la frontière, à 6 Kilomètrs de Kalaat Snem. Le Lieutenant Azzouz, ancien sous-officier de l’armée française, ayant effectué deux séjours en Indochine lors de la guerre d’indépendance de cette colonie, doté d’une bonne expérience dans son domaine, était mon voisin de secteur frontalier alors que je commandais le secteur frontalier de Sakiet Sidi Youssef avec des postes frontaliers (Oued Zitoun et Ain Om Jraa au nord de Sakiet et Ain Karma et Oued el Malah au sud) , a pris toutes les précautions pour éviter le pire et sécuriser tout le monde: il a fait éloigner, du village, le mulet avec son chargement, ainsi que sa jeep et son chauffeur et au lieu d’appeler les personnels du génie militaire spécialistes en déminage (les artificiers) essaya, seul, d’ouvrir la première caisse. Celle-ci, pleine  d’explosifs et étant piégée, a explosé, laissant un cratère de près d’un mètre de profondeur et de deux mètres de diamètre. Du malheureux lieutenant, nous n’avons pu ramasser que quelques morceaux de chair humaine brûlée.

Mort pour la patrie, que Dieu accueille le Lt Azzouz dans Son éternel Paradis.                    

En conclusion, je peux affirmer, que j’ai eu beaucoup de chance d’avoir été désigné dans cette zone et- d’avoir commandé, à l’âge de 22 ans seulement, un front de près de soixante kilomètres avec cinq postes frontaliers en situation opérationnelle permanente. De 1958 à 1961, ces trois ans passés à la frontière tuniso-algérienne, ont été pour moi très positifs, m’ont beaucoup appris et ont complété la formation que j’ai eue dans la prestigieuse Ecole militaire de St Cyr. De là, j’ai été volontaire pour aller servir, durant dix neuf mois, avec la Brigade Tunisienne déjà sur place, les Casques Bleus au Congo Léopoldville (devenu le Zaïre puis la Rép. Démocratique du Congo-RDC) et vivre une période tout aussi exaltante qui m’a permis de fréquenter des officiers venant des quatre coins du monde tels que l’Inde, le Pakistan, la Suède, l’Ethiopie, le Ghana, la Guinée, le Liberia, le Nigeria, le Soudan, le Maroc, la Sierra Leone, le Mali, l’Indonésie et l’Argentine. 

Pour moi, mes plus beaux souvenirs de carrière et les plus impérissables, je les garde de mon séjour dans l’extrême sud tunisien lorsque j’ai commandé, de 1976 à 1980, les Unités Sahariennes dont le Poste de Commandement était situé, pour des raisons symboliques, à Remada, là où le leader Bourguiba a été exilé, avec quelques cadres du parti du Néo-Destour, en 1952. Mon séjour saharien, prévu pour trois ans, a duré et cela avec mon consentement, quatre années et cela, malgré l’éloignement, les vents de sable, le sirocco et les 50 degré à l’ombre durant l’été.

Que Dieu veille et protège la Tunisie éternelle, l’héritière de Carthage et de Kairouan.                                         

B.B.

(*) – Commandant le secteur frontalier de Sakiet (1958-61),

– Etat major Armée, Cdt Btn et divers stages (1962-72),

-Ecole supérieure de guerre, Paris (1973-75 ),

-Commandant les unités sahariennes (1976-80),

– Attaché militaire à Rabat ( 1980-83),

-Sous-chef d’état-major armée terre (1983-86),

– PDG société nationale Sonam (1988-1990),

– gouverneur (1990-93).

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