Accueil Economie Révision du Code des hydrocarbures : Pour un nouveau cadre de gouvernance, de transparence et de gestion efficace

Révision du Code des hydrocarbures : Pour un nouveau cadre de gouvernance, de transparence et de gestion efficace

Le gouvernement tunisien a annoncé, depuis 2013, le lancement du processus de révision du code des hydrocarbures. La lutte contre la corruption était le souci majeur du pays qui a veillé, des années durant, à la consécration des principes de transparence et de bonne gouvernance dans ce secteur stratégique. En effet, cette attention particulière est due au fait que ce secteur était entouré de suspicions de corruption et taxé de mauvaise gestion, réalités qu’il était difficile de dénoncer avant la révolution.

La Presse — D’après les experts, la procédure d’octroi des titres pétroliers et miniers est très vulnérable à la corruption en Tunisie. Le choix des compagnies et les critères de sélection fixés pour cela déterminent en grande partie la capacité des investisseurs à mener à bien leur projet et à faire prospérer le pays.  Le système d’octroi actuel comporte d’importantes faiblesses en termes de transparence, permettant d’ouvrir la porte aux réformes pour apporter les améliorations nécessaires. Un conseil ministériel restreint s’est tenu, récemment, consacré à l’examen d’un projet de loi portant modification du Code des hydrocarbures et à la situation de certaines concessions pétrolières. L’objectif est de concilier la souveraineté énergétique nationale avec l’attractivité des investissements dans l’exploration, l’exploitation, le transport et le raffinage.

Vision stratégique

Le Chef du gouvernement, Kamel Maddouri, a, par ailleurs,  évoqué la baisse de la production, le coût réduit des permis d’exploration, l’absence d’une politique de promotion efficace, ainsi que la dépendance énergétique croissante. Ainsi, « l’élaboration d’une vision stratégique s’impose afin d’identifier les opportunités et les défis du secteur, renforcer la souveraineté et la sécurité énergétiques, diversifier les sources d’énergie et attirer des investissements de qualité, le tout dans un cadre de gouvernance, de transparence et de gestion efficace ».

Le nouveau code sur les hydrocarbures prévoit donc une multitude de mesures qui visent notamment à redéfinir le cadre légal régissant le secteur, en lui accordant une certaine souplesse, synonyme d’un gain potentiel en attractivité, tout en préservant les intérêts de l’Etat tunisien. Dans le souci de préserver l’intérêt et la souveraineté nationaux, le Chef du gouvernement a insisté sur l’importance de renforcer les capacités institutionnelles des structures concernées, ainsi que la nécessité de maîtriser les mécanismes de prévention et de résolution des litiges.

Matérialiser la souveraineté nationale

Le docteur en géologie, Mohamed Ghazi Ben Jemia, estime qu’il est nécessaire de réviser le Code des hydrocarbures et d’introduire des amendements sur plusieurs aspects juridiques, techniques, environnementaux et financiers. L’expert a déclaré, lors d’une interview accordée aux médias, que « le secteur des hydrocarbures en Tunisie souffre d’une fragmentation législative due à des lois obsolètes, qui remontent  à 1999, laissant un vide juridique permettant de continuer à appliquer d’anciennes dispositions, ce qui affecte les licences d’exploration et de recherche ainsi que les concessions de production ». Parmi les points évoqués, figure la durée des concessions, fixée à cinquante ans dans les anciennes lois et à trente ans dans les nouvelles. Selon ses dires, il est impératif d’uniformiser ces durées en publiant un décret, afin que toute concession soit accordée pour une période de trente ans. Et de préciser que, pour l’exploration, « la loi tunisienne permet de renouveler un permis deux fois, voire trois en cas de découverte. Des prolongations sont également accordées si la société exploitante a été empêchée de mener ses activités, pour une durée maximale de trois ans ». En ce qui concerne l’exploitation, l’expert a souligné que la loi tunisienne ne permet ni le renouvellement ni la prolongation des permis d’exploitation.

En outre, l’expert insiste sur l’importance de développer des contrats de partage de production entre l’Etat et les investisseurs. L’objectif étant d’impulser l’investissement.

De son côté, Mohamed Ali Fennira, député et membre de la commission de l’industrie, du commerce, des ressources naturelles, de l’énergie et de l’environnement à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a dû rappeler que malgré l’importance socioéconomique du secteur des hydrocarbures, le Code des hydrocarbures demeure hélas très obsolète et ancien, précisant que les nouvelles lois qui seront mises en place doivent absolument garantir et matérialiser la souveraineté nationale. Il n’a pas manqué de rappeler qu’entre novembre 2023 et novembre 2024, l’autosuffisance énergétique a baissé de 16 %, la production de gaz a régressé de 25 %, alors que celle du pétrole a diminué de 13 %. De même, toutes les actions d’exploration et de développement dans le secteur ont connu une baisse, en particulier le nombre de permis et de forages d’exploration. De l’avis de l’expert, « l’essentiel est de diversifier les sources d’énergie et d’attirer des investissements dans ce domaine ».

Bonnes pratiques

L’instauration d’un système pour l’octroi des licences pétrolières et gazières répondant aux exigences de la bonne gouvernance revêt une importance cruciale pour la prévention de la corruption et la réalisation des résultats escomptés. « Le système tunisien actuel, basé sur le principe de la ‘‘porte ouverte’’, comporte des défaillances importantes et se caractérise par son ambiguïté et son opacité, résultant notamment de la faible mise en concurrence », affirment les experts. Ce système d’octroi peut être amélioré en se référant aux bonnes pratiques internationales. Le processus actuel de réforme du code des hydrocarbures lancé par le gouvernement constitue une occasion importante à saisir pour atteindre cet objectif. « La Tunisie pourra ainsi introduire une certaine concurrence en instituant des cycles d’octroi ou ‘‘licensing rounds’’ dans des cas spécifiques ou en adoptant un système basé sur le ‘‘fichier ouvert’’. En s’inspirant de la norme Open Contracting, la Tunisie peut ainsi prendre des mesures pour plus de transparence tout au long du processus d’octroi, de la phase de promotion à la phase de mise en œuvre », précisent les experts.

Ces derniers indiquent que pour pallier les insuffisances, « la Tunisie peut s’inspirer des bonnes pratiques et des standards internationaux qui préconisent le recours à la transparence et à la concurrence dans les circonstances adéquates en matière d’attribution des titres pétroliers et gaziers».

Ces bonnes pratiques liées à la transparence dans le processus d’attribution sont résumées dans la nouvelle norme  ‘‘Open Contracting’’ que la Tunisie s’est engagée à appliquer dans son plan d’action national OGP 2018-2020.

De plus, les experts insistent sur la nécessité d’incorporer des normes de transparence dans le code et les textes d’application. Le nouveau code doit aussi favoriser la concurrence pour inciter les investisseurs à présenter des offres plus avantageuses pour l’Etat. La concurrence peut jouer un rôle important dans la création d’un secteur plus performant et transparent. D’autres facteurs essentiels interviennent aussi dans la détermination du niveau de la concurrence, notamment des facteurs sur lesquels le gouvernement tunisien n’a pas de contrôle, tels que le marché pétrolier mondial, et d’autres sur lesquels le gouvernement a un certain niveau d’influence, tels que le régime fiscal, la disponibilité des informations géologiques et géophysiques, la stabilité politique, sécuritaire et sociale, le climat des affaires. Toute réforme du système d’octroi dépendra aussi d’autres facteurs non moins importants dont en particulier la situation économique que traverse la Tunisie, qui exige plus de transparence afin d’attirer et de rassurer les investisseurs.

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