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Par Abdoulaye BA*
L’administration publique tient une place importante dans les préoccupations des Tunisiens. C’est une réalité historique incontestable qui date depuis plusieurs années.
Une analyse rétrospective de l’histoire politique du pays m’a permis de constater que l’appareil administratif n’a pas, au fil du temps, fait l’objet de changements nécessaires et indispensables lui permettant d’accomplir efficacement ses missions au service du peuple et dans l’intérêt général, conformément aux lois et règlements en vigueur. Il s’est au contraire, à défaut de véritables réformes, progressivement « bureaucratisé ». Il est bon aussi de préciser que la gouvernance mise en place au lendemain de l’indépendance a, dès le début,« privilégié » la primauté du parti politique au pouvoir sur l’Etat, dans la conduite des affaires du pays. Dès lors, la politique économique menée sous l’autorité du Leader et Président Habib Bourguiba, parce que déséquilibrée, n’a pas profité à l’ensemble des régions. Le Nord-Ouest, le Centre-Ouest et le Sud n’ont pas bénéficié des fruits de la croissance, des régions plutôt « défavorisées et souffrant » d’inégalités sociales par rapport au reste du pays. Fort de son charisme et de son leadership, « Le combattant suprême » a occupé le devant de la scène politique pendant plus de 30 ans et son « omnipotence » a pesé lourdement sur le bon fonctionnement des institutions de la République. La gouvernance du Président Ben Ali n’a pas non plus donné les résultats escomptés, bien au contraire. L’administration publique n’a pas été loin s’en faut réformée, en dépit des multiples engagements et promesses officiels quant à sa mise à niveau.
Alors qu’on espérait le meilleur pour le pays avec l’avènement de la révolution, c’est plutôt l’inverse,voire le pire, qui s’est produit. Déjà « mal en point » sous le régime de Ben Ali, l’appareil administratif a été fortement « mis en mal », particulièrement à l’époque de la Troïka. Aujourd’hui, la majorité de la population tunisienne s’accorde à dire que l’administration doit être réformée dans l’intérêt supérieur du pays.
Comme nous le savons tous, le Président Kaïs Saïed a fait de l’assainissement de tout le secteur public l’une de ses priorités. Il exhorte constamment le peuple tunisien, dans toutes ses composantes, à faire preuve de patriotisme, de civisme et à œuvrer avec détermination et sans relâche pour l’intérêt général et la souveraineté totale du pays. Cet ambitieux objectif, largement à notre portée, ne peut se réaliser qu’avec l’existence d’une administration plus largement d’un secteur public moderne, compétente, efficace et au service de l’intérêt commun et de la communauté nationale. C’est là tout l’enjeu de notre problématique actuelle et le défi majeur que nous devons relever. Ce n’est qu’à ces conditions que nous ne pourrons plus déplorer ou nous plaindre de la qualité et de l’inefficacité des services de notre système administratif. Pour le moment, nous n’en sommes pas encore là et pendant ce temps, de nombreux usagers sont insatisfaits, souffrent en silence, prennent leur mal en patience, dépriment, perdent espoir, se sentent malheureux… à cause parfois « du temps fou » qu’ils consacrent pour espérer trouver une solution à leurs problèmes ou obtenir une réponse favorable à leurs requêtes.
Eh oui! Je me permets d’évoquer sommairement ci-dessous mon cas personnel qui, à mon humble avis, est préoccupant et en même temps interpelle… « J’ai actuellement 72 ans et je suis un résident mauritanien installé régulièrement en Tunisie depuis 38 ans. Je suis diplômé de l’IFID, un institut maghrébin de 3e cycle situé à Tunis et spécialisé dans la formation de cadres supérieurs en banque et assurances. Au terme de mes études supérieures, j’ai travaillé pendant 23 ans dans une société de réassurance étrangère. J’ai pris ma retraite le 1er janvier 2013. Je suis marié depuis plus de 30 ans et j’ai 2 filles. Ma femme et mes enfants sont de nationalité tunisienne et nous habitons dans notre propre logement. En 2016, j’ai déposé une demande au ministère de la Justice pour obtenir la nationalité tunisienne. Cinq (5) ans après, en 2021 précisément, l’examen de mon dossier d’une part et l’enquête de moralité qui s’en est suivie d’autre part ont été concluants. J’ai ensuite entrepris de nombreuses démarches dans la perspective d’une issue favorable à ma demande, de même que j’ai également écrit au Président de la République Kaïs Saïed et à la ministre de la Justice Leïla Jaffel pour les informer de la particularité de ma situation et dans l’espoir que mon souhait soit exaucé. Aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il adviendra de ma requête, mais ce qui est sûr, c’est que je me trouve dans la situation paradoxale et aberrante d’un « faux étranger » qui ne peut vivre qu’en Tunisie. C’est la raison pour laquelle seule l’obtention de la nationalité tunisienne peut garantir ma stabilité dans le pays. »
Au-delà de mon cas personnel, je tiens à souligner que nous sommes tous concernés par l’assainissement de l’administration. C’est « notre affaire à tous », pas que seulement les usagers et les agents de l’Etat. En cette période préoccupante et pleine d’incertitudes, marquée notamment au plan international par l’élection de Donald Trump, le nouveau Président américain, la Tunisie a tout à gagner en se dotant impérativement d’institutions solides et efficaces pour une meilleure gouvernance du pays et au service du peuple. »
A.B. (*)
Citoyen mauritanien Observateur politique