Accueil Economie Synergie Bourse-Banque : Un levier de croissance négligé

Synergie Bourse-Banque : Un levier de croissance négligé

Lors d’une récente intervention à la 16e édition du Forum africain des banques, Bilel Sahnoun, directeur général de la Bourse de Tunis, a mis le doigt sur l’importance cruciale de la synergie entre le marché financier et le monde bancaire pour une complémentarité nécessaire à la promotion de l’investissement et à la croissance.

La Presse — En matière de financement, la complémentarité entre le marché financier et le monde bancaire est idéalement souhaitable. Toutefois, dans le contexte économique africain et notamment tunisien, cette association, bien que recherchée et apportant des résultats concrets impactant positivement la performance des entreprises et l’économie, nécessite certains préalables. C’est, en tout cas, ce que pense Bilel Sahnoun, directeur général de la Bourse de Tunis, qui, lors de la présentation de sa keynote à la 16e édition du Forum africain des banques, est revenu sur l’importance économique de cette association bourse-banque.

Améliorer la gouvernance des entreprises

Selon Sahnoun, la complémentarité entre le marché financier et le système bancaire peut être abordée sous deux aspects. Le premier concerne la clientèle corporate.

En effet, les entreprises représentent, selon lui, un potentiel important en matière de nouveaux papiers (émission de nouveaux titres) pour les bourses africaines, mais aussi un vecteur favorisant l’effet de levier pour les banques. L’association marché financier-banque, affirme Sahnoun, peut être une solution adaptée aux PME qui souhaitent restructurer leurs hauts de bilan, une entreprise nécessaire à la pérennité et à la réussite de leur business model.

L’intervenant a ajouté que cette association permet aussi d’améliorer la gouvernance des entreprises, de renforcer leur transparence et, par ricochet, d’améliorer l’appréciation du risque, cœur de métier des banquiers. 

Le second aspect de cette collaboration concerne la clientèle retail. D’après Sahnoun, la customisation de l’offre bancaire, grâce aux outils technologiques et aux solutions de « global banking », pourrait ouvrir la voie à une offre adaptée aux besoins spécifiques des clients sur les produits du marché financier.

« L’offre peut varier d’un client à un autre en fonction de son appétit au risque, de son âge ou encore de ses orientations idéologiques. Aujourd’hui, cette personnalisation est possible grâce à l’IA couplée au global banking », a-t-il expliqué.

Et d’ajouter : «Cette offre permet de relier le monde de l’épargne, en facilitant la collecte de fonds et en répondant aux attentes des clients, à celui de la transformation de cette épargne en investissements en Bourse. Elle ne concerne pas uniquement les produits de Bourse, mais s’applique également aux produits de ‘‘private equity’’, d’assurance-vie… ».

Alliance de bourses africaines : un choix judicieux ? 

Sahnoun s’est ensuite attardé sur la question de la taille des marchés financiers en Afrique. « Quand on compare nos bourses africaines respectives par rapport aux marchés développés, on peut dire que nous sommes peut-être réduits à l’échelle de l’atome. Donc, il faut qu’on arrive à se regrouper et qu’on essaie d’atteindre une taille critique qui nous permet d’être un peu plus visible et un peu moins atomisé », a-t-il précisé.

Selon lui, aucun marché de la région, à l’exception de l’Afrique du Sud, n’est actuellement compétitif, attractif ou en mesure d’évoluer rapidement. En cause : des économies incapables de fournir des produits de papier, d’alimenter l’offre en abondance, mais aussi de drainer et de collecter une épargne assez importante à même de rendre leurs marchés respectifs, plus liquides, plus consistants et plus profonds.

Selon le responsable, cette incapacité à fournir la liquidité et à créer des opportunités de croissance empêche les bourses africaines de figurer dans le radar des grands investisseurs internationaux.

Mais pas que : l’absence de stratégies favorisant le développement des marchés financiers en Afrique a aggravé cette sous-performance. Le premier responsable de la Bourse de Tunis a, notamment, cité l’absence de réglementations rendant obligatoires les introductions en Bourse (IPO).

Selon lui, de telles mesures contribueraient au développement des bourses africaines et à l’instauration de normes de gouvernance et de transparence, qui devraient s’appliquer non seulement aux entreprises cotées, mais également aux grandes entreprises et aux entreprises publiques.

Il a insisté sur le fait que ce type de réglementation permettrait de prévenir des crises systémiques, notamment en ce qui concerne les groupes ayant un niveau d’engagement élevé, dont les difficultés pourraient affecter significativement les bilans des banques.

Moderniser les bourses africaines 

Poursuivant sa keynote, le DG de la Bourse de Tunis  a affirmé qu’un effort de consolidation s’impose aujourd’hui à l’ensemble des pays africains. Trois préalables doivent être considérés : tout d’abord, l’assouplissement des réglementations de change afin de faciliter la circulation des investissements en portefeuille entre les pays du continent.

Ensuite, le développement de l’interopérabilité des marchés africains et de leurs plateformes pour permettre la négociation de titres quelle que soit la localisation de l’investisseur.

Enfin, la convergence des réglementations, une mission qui incombe aux régulateurs des marchés financiers, afin d’harmoniser les exigences entre les marchés. Les standards internationaux peuvent, en ce sens, servir de boussole. « Si nous ne parvenons pas à cette harmonisation, les jeunes générations, dont le mindset est différent du nôtre, pourraient se détourner de nos marchés au profit de plateformes internationales », a -t-il expliqué.

Et de conclure : « Les générations Z et Alpha, les générations IA, nous imposent aujourd’hui la plateformisation de nos marchés et la robotisation de nos processus, y compris ceux de la compliance (l’ensemble des processus, politiques et procédures mis en place par les institutions financières pour assurer le respect des lois, réglementations et normes). Cela nécessite la promotion des fintechs et des regtech. Notre continent regorge d’opportunités d’investissement, notamment avec une population croissante. Les investisseurs potentiels sont très nombreux, gardons-les chez nous et essayons de pas les perdre ».

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