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Chroniques de la Byrsa : Sale temps pour les disparus

L’égoïsme des vivants fait que, bien trop souvent, ils oublient qu’ils vivent aux côtés du monde des ténèbres, comme disaient les Anciens, celui des trépassés, auquel ils tournent le dos dans une parfaite incurie, même lorsqu’ils le frôlent en passant dans son voisinage. Ils ne se le rappellent que lorsque, de temps à autre, au gré de la chronique, ils sont projetés dans ce monde pour s’acquitter de formalités d’adieux ou d’un devoir de soutien à la partie endeuillée. C’est, le plus souvent, l’occasion de méditer et de deviser sur le sens de la vie, sa vanité et les vertus de l’humilité. Puis on repart, le cœur léger de ce que, soi-même, on s’en sort indemne. Jusqu’à Dieu seul sait quand. 

Entretemps, il n’aura échappé à personne, pas même à ceux qui y participent par une conduite désinvolte, l’état de délabrement de nos cimetières. Là où, ailleurs, tout est ordre, propreté et beauté, chez nous, le plus souvent, c’est le capharnaüm. 

Il est vrai que la topographie participe de ce désordre. On aura peut-être remarqué que, dans l’écrasante majorité des cas, nos cimetières sont implantés sur des élévations de terrain, collines ou buttes escarpées, qui ne risquent pas d’être inondées par les pluies diluviennes ou les débordements d’oueds au voisinage desquels ont été aménagés les points de peuplement. Une telle situation ne favorise certainement pas une organisation très rationnelle de l’espace. Et, le temps aidant, l’érosion du terrain favorise une dégradation accélérée du terrain, aggravant ainsi ses altérations.

Les familles des proches des « pensionnaires » font tout pour soigner les dernières demeures de leurs proches

Dernier facteur, et non des moindres, pour expliquer l’état d’extrême délabrement de nos cimetières, l’absence d’entretien digne de ce nom. Certes, les familles des proches des « pensionnaires » font tout pour soigner les dernières demeures de leurs proches en y entretenant des plantes ornementales et en désherbant les alentours de leur carré, mais reste le reste, c’est-à-dire les allées et les espaces encore vacants entre les sépultures et même la restauration des sépulcres abandonnés. Littéralement pas âme qui vive pour en prendre soin et y faciliter la circulation des vivants. Les autorités en charge de la gestion des cimetières, c’est-à-dire — si la chose a encore un sens — les municipalités, brillent par leur absence. Du moins dans ce rayon de leurs activités traditionnelles. On reviendra à une autre occasion sur les autres « prestations » de certains de leurs agents véreux.

Certes, la belle saison qui s’annonce tempérera la désolation de ces « cités de la mort » par le retour de la verdure et des fleurs sauvages ainsi que le chant des oiseaux qui viendront s’y abreuver de l’eau versée par les visiteurs au creux des jattes aménagées à la surface de la pierre tombale. Mais, en dessous, de toute façon, c’est l’hiver éternel… 

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