Accueil Economie Tribune – Système fiscal tunisien : De la digitalisation à l’intelligence artificielle, un chantier inachevé

Tribune – Système fiscal tunisien : De la digitalisation à l’intelligence artificielle, un chantier inachevé

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Depuis plusieurs mois, les débats et séminaires sur l’intelligence artificielle (IA) se multiplient en Tunisie. Pourtant, alors que l’administration peine encore à achever sa digitalisation, elle semble déjà vouloir rattraper le train de l’IA. Ce saut technologique, sans base solide, pose la question de la faisabilité réelle de ces ambitions.

Une digitalisation en panne

La modernisation de l’administration tunisienne, et notamment celle de l’administration fiscale, fait du surplace. Si de nombreux programmes de digitalisation ont été annoncés et financés par des organismes étrangers, les effets concrets restent invisibles. Les procédures restent largement basées sur le papier, et l’échange de courriers demeure physique.

 Un exemple frappant illustre ce retard : une entreprise tunisienne a répondu par e-mail à une demande d’information de l’administration fiscale. Pourtant, après expiration du délai de réponse, elle a reçu la visite d’inspecteurs lui reprochant un défaut de réponse. L’entreprise a alors présenté la preuve de son envoi, mais les agents ont constaté que le courrier électronique avait été imprimé et soumis au circuit administratif classique, annulant ainsi tout bénéfice de la dématérialisation.

Un problème de conception

L’administration semble croire à une digitalisation qui ne remettrait pas en cause ses modes de fonctionnement bureaucratiques. Or, digitaliser une administration, c’est avant tout repenser les processus, les simplifier et les automatiser.

 En laissant la conduite de ces projets aux mêmes structures qui fonctionnent sur des principes obsolètes, le résultat est prévisible : des disparités dans les approches et l’échec de la majorité des initiatives. La digitalisation ne peut réussir sans une vision globale, basée sur des standards nationaux clairs et une infrastructure solide.

Une numérotation administrative incohérente

Un exemple concret de ces lacunes est la gestion documentaire. La numérotation des documents administratifs, censée assurer leur traçabilité et faciliter leur exploitation, manque d’uniformité. Chaque administration applique ses propres règles, ce qui complique les analyses et les diagnostics.

Une numérotation bien structurée permettrait pourtant de mieux comprendre l’activité administrative, d’identifier les goulots d’étranglement, de déceler les retards dans le traitement des dossiers et d’évaluer l’efficacité des politiques publiques. Elle jouerait également un rôle crucial dans le contrôle et l’audit des décisions, en aidant à repérer les anomalies et les fraudes. Les banques aussi produisent des documents spécifiques à chaque banque, ce qui rend leur lecture instable et difficile.

Sans données normalisées, pas d’intelligence artificielle efficace

En l’absence d’une numérotation standardisée et d’une infrastructure digitale cohérente, toute ambition de recourir à l’intelligence artificielle dans la gestion administrative reste illusoire. L’IA repose sur des données structurées et fiables, ce qui fait défaut aujourd’hui en Tunisie.

Avant de songer à l’IA, l’administration fiscale doit donc d’abord réussir sa transformation digitale en profondeur. Cela passe par une refonte des procédures, une uniformisation des pratiques et une dématérialisation effective des services. Sans ces préalables, la modernisation restera un simple slogan.

Les retombées positives d’une digitalisation complète

Si la digitalisation est menée à bien dans l’ensemble du système, ses bénéfices seront considérables. Elle permettrait notamment :

Une plus grande transparence : en rendant accessibles les données et les décisions fiscales, réduisant ainsi les risques de corruption et d’arbitraire.

– Une meilleure efficacité administrative : en réduisant les délais de traitement des dossiers et en automatisant les procédures répétitives.

– Une simplification des démarches pour les contribuables: grâce à des services en ligne accessibles en temps réel, évitant les déplacements et les attentes inutiles.

– Une amélioration du contrôle fiscal : en facilitant l’analyse des données et la détection des anomalies ou fraudes fiscales.

– Une optimisation des politiques publiques : en exploitant des données fiables pour ajuster les mesures fiscales et économiques en fonction des réalités du terrain.

Sans une approche intégrale et cohérente, les initiatives resteront fragmentées et inefficaces. La digitalisation doit donc être pensée comme un projet global, impliquant l’ensemble des administrations et institutions, afin de générer un impact réel et durable.

 

N.B. : L’opinion émise dans cette tribune n’engage que son auteur. Elle est l’expression d’un point de vue personnel.
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