
L’artiste opte pour la matière-couleur dans une sorte de pointillisme impressionniste pour donner de la densité à sa toile. La fibre du textile épouse l’unité du point/couleur qui impose son rythme et son langage, donnant l’illusion à travers des paysages vibrants d’une tapisserie…
On a une rencontré son œuvre pour la première fois dans deux expositions collectives organisées par Mohamed Ayeb à la galerie Ain. Aya Ben Amor y employait la technique de transfert pour travailler sur un support bien particulier: la serpillière. Elle y posait ici et là une faune disparate dans une sorte de manifeste écologique. Avec les mêmes préoccupations, dans le même support, mais dans une autre approche picturale, elle a transporté, depuis le 9 février dernier, ses animaux à la galerie A.Gorgi à Sidi Bou Said dans le cadre de son exposition «Absence habitée».
Née en 1995, Aya Ben Amor est une artiste plasticienne dont le travail jette un pont entre la peinture et la tapisserie, offrant un récit unique qui redéfinit les pratiques artistiques traditionnelles. Ancrées dans une vision écologique et symbolique, ses créations transforment des matériaux humbles et récupérés en œuvres d’art vibrantes et texturées. À travers ce médium inattendu qu’est la serpillière, elle explore les thèmes du renouveau, de la coexistence et de la reconquête de la nature, mêlant des couleurs vives et une esthétique pop-art à une profonde sensibilité à la matérialité.
Toujours dans cette approche matérialisante, dans «Absence Habitée», Aya opte pour la matière-couleur dans une sorte de pointillisme impressionniste pour donner de la densité à sa toile. La fibre du textile épouse l’unité du point/couleur qui impose son rythme et son langage, donnant l’illusion à travers des paysages vibrants d’une tapisserie.
La jeune femme nous y présente une dystopie écologique aux couleurs vives, où l’être humain semble avoir disparu au profit d’une flore abondante et d’une faune épanouie tout droit sortie des pages de «Kalila Wa Dimna» ou des fables de La Fontaine. Un monde réinventé par des animaux dont les figures sont inscrites sur la toile-serpillière dans différentes configurations qui épousent par moments l’esthétique de la miniature en synthétisant l’essentiel, avec absence de perspective et de rapports dimensionnels (un autre élément qui renvoie à l’esthétique du conte et de la fable chère à l’artiste).
Les œuvres d’Aya matérialisent cette tension entre l’absence de l’homme et la réappropriation animalière. Dans certaines de ses toiles, les animaux miment ou plutot singent l’homme pour en devenir des caricatures. Une manière chez l’artiste d’affirmer ce besoin de prise de revanche sur l’humain. Elle nous popose une sorte de planète des singes plus inclusive, reflet «d’un monde en pleine métamorphose, où même les éléments les plus modestes trouvent leur place et leur voix». Une belle mise «aux points».