Accueil Culture Notes de lecture — Rémada 1958 : Le destin tragique de la famille Nebhani

Notes de lecture — Rémada 1958 : Le destin tragique de la famille Nebhani

Qui a donc gardé en mémoire la localité de Rémada et les tragiques événements qu’elle a vécus en 1958 et qui ont endeuillé la Tunisie dans le cadre de la «Bataille de l’Evacuation» menée contre l’armée coloniale française ?

Il en va des nations comme des individus qui les composent : leur mémoire est, hélas, sélective. La nation choisit, selon on ne sait quels critères, de garder vivace le souvenir de certains événements et d’en effacer d’autres ou de retenir l’image de certaines figures au détriment d’autres non moins remarquables. 

Qui a donc gardé en mémoire la localité de Rémada et les tragiques événements qu’elle a vécus en 1958 et qui ont endeuillé la Tunisie dans le cadre de la «Bataille de l’Evacuation» menée contre l’armé coloniale française ?

«L’année 1958 fut celle de tous les chagrins et le point de départ d’une épreuve de force entre la Tunisie et la France», écrit Mohamed Noureddine Dhouib à propos des événements de Rémada dans son ouvrage «Rémada 1958 : le destin tragique de la famille Béchir Nebhani». 

Le point de départ de cet épisode sanglant a été le bombardement, le 8 février 1958, par l’armée française de Sakiet Sidi Youssef, localité frontalière avec l’Algérie qui avait entamé la résistance armée contre le colonialisme. Dans la foulée de ce forfait, Bourguiba, en quête d’un resserrement des rangs autour de sa personne, à travers un sursaut nationaliste qui renforcerait sa position face à son rival Salah Ben Youssef, décréta un blocus sur les points de cantonnement de l’armée française encore présente en Tunisie.

De Gafsa à Dhéhiba, le Sud tunisien s’est mobilisé aux côtés des maigres effectifs de l’armée nationale et de la Garde nationale, toutes deux alors naissantes, qui armées de vieux pétoires, qui de gourdins et qui, enfin, de leur seule bonne volonté pour dresser des barrages sur les routes et encercler le casernement des troupes ennemies supérieures en nombre et considérablement mieux entraînées et mieux équipées.

Les fonctionnaires, quant à eux, ont été évacués vers des endroits moins exposés. Et c’est ainsi que Béchir Nebhani, jeune instituteur originaire de Zarzis et récemment promu directeur de l’école primaire voisine de la caserne française de Rémada, a été dirigé avec son épouse et leurs quatre enfants sur Dhéhibèt.

Or, ne voilà-t-il pas qu’au troisième jour de cette évacuation, l’inspecteur régional de l’enseignement primaire l’informe que, sur ordre du secrétaire d’Etat à l’Education nationale, Mahmoud Messaadi, il devait reprendre son poste jusqu’à la fin de la saison scolaire. Samedi 24 mai, jour même de son retour avec sa famille —sa femme ne voulant pas se séparer de lui—, la tension monta entre les militaires français et des volontaires armés.

Le soir, le commandant de la place donna l’ordre à ses hommes de bombarder les assiégeants, y compris ceux qui s’étaient retranchés dans l’école. Au matin, on retrouva les corps de Béchir Nébhani, de sa femme et de ses enfants.

Pourquoi l’ordre a-t-il été donné à Nebhani de reprendre son poste alors que la déflagration était imminente ? Pourquoi l’armée française s’est-elle acharnée sur l’école et ses occupants alors même qu’elle avait eu connaissance du retour du directeur et de sa famille dans ses locaux ? Pourquoi aucune enquête n’a-t-elle été diligentée sur les circonstances de ce drame ?       

Ces questions et quelques autres ont été posées par l’auteur qui a tenté d’esquisser sinon des ébauches de réponses, du moins de fournir des arguments pour engager un début d’enquête approfondie à ce sujet. 

Natif de Zarzis, lui aussi, Mohamed Noureddine Dhouib n’est ni historien ni chroniqueur. Ingénieur diplômé de l’Ecole supérieure de l’électricité de Paris, il a fait sa carrière à la Steg. Profondément attaché à sa ville d’origine, il ne cesse d’en explorer le passé proche et lointain. Le présent ouvrage s’inscrit dans cette démarche que conforte un devoir de reconnaissance et de mémoire qu’il doit à son ancien instituteur. 

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