Accueil A la une Tribune – Décret n°389 du 9 mars 2017 : Une révision indispensable pour un cadre d’investissement plus équitable

Tribune – Décret n°389 du 9 mars 2017 : Une révision indispensable pour un cadre d’investissement plus équitable

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Le mois dernier, lors d’une réunion du Conseil ministériel restreint consacrée au projet de loi « horizontale » relatif à l’incitation aux investissements, le chef du gouvernement tunisien a réaffirmé l’engagement de l’Etat en faveur d’un développement économique « global et intégré », fondé sur la justice sociale et la création de richesse.

Pourtant, face aux multiples blocages et à la frustration exprimée par les acteurs économiques, il apparaît clairement que la législation tunisienne en matière d’investissement, promulguée depuis 2012, peine à remplir ses objectifs. Ses lacunes et insuffisances ont contribué à un climat d’affaires peu favorable, freinant les initiatives d’investissement et renforçant les inégalités régionales. L’un des problèmes majeurs réside dans les concepts introduits par les textes d’application, notamment la notion des « métiers libres », restée sans définition précise. Cette ambiguïté a donné lieu à des applications contestées et à des interprétations restrictives, conduisant à des traitements inéquitables et à l’exclusion de nombreuses initiatives entrepreneuriales. Ainsi, la législation actuelle, censée favoriser l’investissement, semble paradoxalement pénaliser certaines catégories d’entrepreneurs, en particulier les PME et les start-up.

Le décret n°389 du 9 mars 2017 illustre parfaitement ces déséquilibres. Son annexe III prévoit une liste d’activités exclues du bénéfice des incitations au développement régional.

Cette exclusion touche de plein fouet les petites entreprises, les start-up et certaines activités à forte valeur ajoutée, pourtant essentielles à la rétention des jeunes diplômés dans leurs régions. Plus grave encore, ces restrictions concernent des secteurs susceptibles de créer de l’emploi dans les zones reculées, privant ainsi ces régions d’opportunités économiques essentielles. L’absence d’infrastructures numériques et de télécommunications aggrave davantage cette exclusion, limitant l’accès à des activités à forte valeur ajoutée.

En outre, l’utilisation par le décret n°389 de concepts inédits et non définis, comme « les métiers libres » ou « les services des petits métiers », a entraîné des disparités dans l’application des restrictions. Cela s’est traduit par l’exclusion de nombreuses TPE et PME implantées à l’intérieur du pays qui ont été créées par de jeunes investisseurs locaux ou par des Tunisiens revenant de l’étranger.

Face à ces restrictions injustifiées, les entrepreneurs touchés s’interrogent sur la logique de telles exclusions qui semblent réserver certaines activités aux grandes villes, en contradiction flagrante avec le principe de discrimination positive censé accorder un avantage aux régions défavorisées.

Il est incohérent et inefficace d’exclure les petits métiers ainsi que les activités artisanales des incitations économiques lorsque l’objectif affiché est un développement inclusif et équitable. Une approche plus souple et différenciée permettrait d’accompagner leur transition vers le formel, d’améliorer leurs conditions de travail et de renforcer la justice sociale.

En attendant l’adoption de la future loi « horizontale » relative à l’incitation aux investissements, le gouvernement a déjà la possibilité de réviser les décrets d’application à l’origine de ces restrictions, ces derniers relevant de ses compétences exclusives.

Une telle intervention pourrait rapidement résoudre plusieurs problèmes en faveur d’un environnement d’investissement plus équitable, réellement inclusif et aligné sur les objectifs de justice sociale et de développement économique durable.

 

N.B. : L’opinion émise dans cette tribune n’engage que son auteur. Elle est l’expression d’un point de vue personnel.
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