
Placé sous le thème « La Tunisie chante », le festival vise à revendiquer l’héritage musical tunisien tout en l’inscrivant dans des dynamiques contemporaines, entre respect des traditions et exploration de nouvelles sonorités.
Le samedi 8 mars 2025, le Théâtre de l’Opéra de Tunis a accueilli la soirée d’ouverture de la 23e édition du Festival de la chanson tunisienne. Cet événement a marqué le début de quatre jours de célébration de la musique tunisienne sous plus d’une forme. Placé sous le thème «La Tunisie chante», le festival vise à revendiquer l’héritage musical tunisien tout en l’inscrivant dans des dynamiques contemporaines, entre respect des traditions et exploration de nouvelles sonorités.
La soirée d’ouverture s’est distinguée par la prestation de l’artiste Karim Thlibi avec son œuvre «TakhaYal» (Imagine), un psychodrame musical ambitieux qui a captivé l’auditoire. Inspiré du roman « Demain… jour du jugement » de Mohsen Ben Nefissa, ce spectacle propose une réflexion sonore et visuelle profonde, où musique, théâtre et projections se mêlent pour offrir une expérience sensorielle unique. Karim Thlibi, compositeur et arrangeur reconnu, a choisi ici de revisiter l’héritage musical tunisien à travers un prisme psychologique et mélodique, en intégrant des éléments contemporains et des instruments traditionnels.
«TakhaYal» a transporté le public dans un voyage musical hors du commun. Ce psychodrame musical se distingue par sa structure non linéaire, qui invite chaque spectateur à une immersion totale dans un univers sonore riche et nuancé. La pièce s’articule autour d’une vingtaine de compositions qui — chacune — mettent en lumière un aspect différent de l’expérience humaine, des sentiments les plus profonds aux questionnements existentiels. Les mélodies, qui combinent instruments traditionnels et influences modernes, servent de support à une interprétation vocale poignante, portée par des artistes tels que Naï Barghouthi, Cyrine Harabi, Hassine Ben Miloud et Sabeur Radhouani, en plus de la contribution de Zied Zouari, Hamdi Jammoussi, Nasreddine Chebli et Louay Soltani.
Sous la direction du maestro Mohamed Bouslama, l’orchestre symphonique tunisien a magistralement interprété cette œuvre, en intégrant des instruments aussi divers que la « tabla », le « nay », les violons, le violoncelle, le trombone, le piano et la guitare, créant ainsi un mariage harmonieux entre les sonorités anciennes et les influences plus contemporaines. La présence de projections visuelles, réalisées par Abdelhamid Bouchnak, Rami Jarboui et Hachem Souilah, a ajouté une dimension supplémentaire à la performance, en évoquant des paysages apocalyptiques ou des scènes de délabrement, et les lumières de Sabri Atrous et la mise en scène théâtrale de Oualid Daghsni qui ont mis en avant à la perfection avec le propos musical.
Ce traitement visuel a donné au public une sorte de «cinéma sonore», où chaque image projetée servait à accentuer l’impact émotionnel de la musique.
Un festival pluriel entre compétitions et plateforme de découvertes
Au-delà de l’aspect artistique de l’ouverture, le festival 2025 se distingue également par ses compétitions qui visent à promouvoir la jeune scène musicale tunisienne. Trois compétitions sont proposées pour les soirées qui suivront sous forme : la Compétition des nouvelles chansons, la Compétition des maâzoufets (compositions instrumentales) et la Compétition d’interprétation individuelle libre. Ces compétitions offrent une opportunité aux artistes émergents de se faire connaître, tout en encourageant l’innovation et la diversité musicale.
Les lauréats des compétitions auront la chance de repartir avec des prix significatifs, dont le Microphone d’Or (40.000 dinars), le Microphone d’Argent (30.000 dinars) et le Microphone de Bronze (20.000 dinars). Cette initiative vise à récompenser non seulement la créativité et l’originalité, mais aussi à encourager les jeunes talents à poursuivre leur parcours artistique. Le festival permet aussi aux artistes confirmés de partager la scène avec ces jeunes, dans un esprit de transmission et de cohésion.
Outre ces compétitions, la programmation inclut également des concerts d’artistes de renom, tels que Najet Attia et Nawel Ghachem, qui participent à la présentation des compétitions les 9 et 10 mars, et Nabiha Karaouli, qui clôturera l’événement en beauté, accompagnée de l’Orchestre symphonique tunisien dirigé par Mohamed Bouslama.
Pour rappel, le Festival de la chanson tunisienne n’est pas seulement un événement musical, il est aussi un miroir de l’histoire et de l’évolution de la musique tunisienne. Né dans les années 1960, le festival a traversé de nombreuses étapes avant de renaître en 2021 après une pause de douze ans. A travers les décennies, il a su s’adapter aux transformations sociales et culturelles du pays tout en préservant son essence. L’édition de 2025 s’inscrit dans cette longue tradition tout en étant résolument tournée vers l’avenir. Le festival met ainsi l’accent sur la nécessité de réconcilier tradition et innovation, en soutenant la création musicale tunisienne tout en s’ouvrant aux influences internationales. Le public peut ainsi apprécier une variété de genres musicaux allant du malouf aux sonorités plus modernes, en passant par des mélanges audacieux avec des instruments tels que la guitare ou le piano.
Cette 23e édition propose aussi une nouveauté importante : les *open mic* organisés dans les 24 gouvernorats du pays. Ces scènes ouvertes ont permis à des talents locaux de se faire entendre, qu’il s’agisse d’étudiants en musique, de jeunes professionnels ou de talents amateurs. Cette initiative vise à renforcer la présence de la chanson tunisienne dans toutes les régions du pays, tout en rapprochant la culture musicale des jeunes générations.