
C’est un secret de Polichinelle. Les conditions de travail difficiles dans les structures hospitalières publiques et le manque de motivation financière sont les deux principales causes derrière l’émigration des jeunes médecins à l’étranger, notamment en France. Onze ans : c’est en moyenne, le nombre d’années d’études pour un jeune étudiant en médecine qui a effectué sa spécialité, soit un des plus élevés, si ce n’est le plus élevé, en comparaison à d’autres spécialités et filières scientifiques.
Or, selon Wajih Dhakar, Président de l’Organisation Tunisienne des Jeunes Médecins (OTJM), la fourchette des salaires que perçoivent les blouses blanches à la fin de leur parcours (stage de spécialité….) ne correspond pas à du tout au long cursus de formation de haut niveau ni au nombre d’années d’études effectuées.
Le désappointement pour certains médecins est d’autant plus grand qu’après des années de longue haleine marquées par les sacrifices et le dur labeur, ces derniers effectuent leurs stages de spécialité dans des conditions souvent très difficiles, dues à la surcharge de travail, à la violence à laquelle ils sont exposés, au manque d’équipement et de matériels responsables de la détérioration de la qualité des prestations médicales dans les établissements hospitaliers publics. Selon le Président de l’OTJM, plus de 50% des internes et des résidents ne sont pas du tout satisfait des conditions dans lesquelles ils exercent dans les hôpitaux publics et plus de 90% jugent que les salaires qu’ils perçoivent ne sont pas en adéquation avec le niveau de leurs compétences », a observé le médecin urgentiste, lors de son intervention sur Mosaïque FM. Pour de nombreux médecins, cette conjugaison de facteurs est à l’origine de leur envie de partir afin d’aller explorer des opportunités de travail plus épanouissantes et plus motivantes à l’étranger.
S’agissant de la promotion de médecins suivant un stage de spécialité pour devenir des médecins urgentistes, sur 36 blouses blanches, 10 seulement, ont achevé leur stage de spécialité dans les hôpitaux, cette année, tandis que tous les autres ont émigré à l’étranger, notamment en France, a observé Wajih Dhakar, ajoutant que ce chiffre est en augmentation constante d’une année à l’autre.
Un médecin peut interrompre son stage de spécialité et décider de ne pas le poursuivre dès qu’une opportunité de travail se présente à l’étranger, ce qui arrive à de nombreuses bouses blanches en Tunisie. La surcharge de travail en contrepartie d’une sous-rémunération _ il faut savoir qu’un médecin urgentiste, à titre d’exemple, consulte en moyenne 300 malades par jour, travaille près de 100 heures par semaine et touche environ trois dinars l’heure de garde _, à laquelle vient s’ajouter le manque de matériel et les agressions contre le personnel médical et paramédical découragent un nombre de plus en plus grand de médecins qui ne réfléchissent plus qu’à une seule chose : partir exercer leur métier à l’étranger.
Une récente étude réalisée par l’Institut tunisien des études stratégiques en mars 2024 sur la migration des professionnels de la santé, a révélé que la majorité des blouses blanches qui résident à l’étranger (78%) étaient prêtes, toutefois, à retourner en Tunisie à condition que les conditions de travail soient meilleures dans les établissements hospitaliers et que les incitations financières sont suffisamment motivantes pour les encourager à revenir exercer leur métier de médecin en Tunisie.