
Il a l’art et le savoir de captiver l’audience avec son jeu énergique qui ne semble pas prendre une ride. Connu pour sa maîtrise des arpèges les plus complexes du jazz, il a navigué entre des standards du genre et ses compositions originales
La 4e édition de «Médina des Lumières», qui a démarré cette année le 15 mars, sera clôturée aujourd’hui samedi 22 mars. Durant toute la semaine, les habitants tout comme les visiteurs ont savouré une série d’expositions, de conférences, d’animations et de concerts qui célèbrent les joyaux de la Médina de Tunis.
Le concert du célèbre jazzman tunisien Fawzi Chekili est certes un événement marquant de cette édition. C’est lors de la soirée du 16 mars qu’il a retrouvé le public au cœur de «Dar Hussein», en compagnie de sa fille Selma Chekili au chant et du jeune guitariste Hamza Zeramdini. Le somptueux palais, situé à Bab Mnara et qui abrite aujourd’hui l’Institut national du patrimoine, a été construit au XII siècle et a vu passer de hauts dignitaires des diverses dynasties qui se sont succédé.
La grande salle avec son revêtement de pierre et de marbre luxueux et ses carreaux de céramique éblouissants a pris des allures de scène pour un concert intimiste. Guitariste compositeur et protagoniste hors-pair du jazz en Tunisie, Fawzi Chekili a accompli un long cheminement, jalonné de plusieurs standards et de nombreux albums. Capable de s’exprimer avec une même éloquence dans des styles très variés, sa dextérité et sa créativité ont fait de lui une figure emblématique du genre dont la renommée a dépassé nos frontières. Son influence sur les générations suivantes se confirme par des reprises de ses compositions lors d’événements musicaux de haut niveau, dont récemment le grand concert «La Nuit des Chefs» au Théâtre de l’Opéra à la Cité de la culture de Tunis.
Des notes captivantes
Dès les premières notes, Fawzi Chekili a captivé l’audience avec son jeu énergique qui ne semble pas prendre une ride. Connu pour sa maîtrise des arpèges les plus complexes du jazz, il a navigué entre des standards du genre et ses compositions originales. Au programme, il y avait une sélection de ses morceaux les plus connus : Achtar, Blue Tounsi, Takasim ou encore Selma’ smozaïc. Formidablement entouré, ses notes fusionnent avec celles de Hamza Zeramdini dans une alchimie qui séduit immédiatement le public.
Les deux guitares, avec leurs lignes fluides et leurs harmonies complexes, se sont mêlées à la voix de la chanteuse dans son interprétation toute personnelle, ajoutant sa touche à chaque titre. Actrice, réalisatrice et musicienne confirmée, Selma Chekili a repris avec son style unique des chansons célèbres de cette musique où le son, le rythme et l’improvisation sont mis à l’honneur. “ Ev’ry time we say good bye” de Ella Fitzgerald, “Not for me” de Chet Baker, “I’m in the mood for love”, “Heaven in your eyes” et bien d’autres se sont succédé générant un tonnerre d’applaudissements.
Les artistes se répondent, se complètent, formant un trio parfait où chaque improvisation semble fluide et instinctive. Le fait que Selma Chekili a partagé la scène avec son père est particulièrement touchant, apportant une dimension émotionnelle supplémentaire au concert. Une complicité naturelle est perceptible dans chaque geste, chaque regard échangé entre le jazzman et sa fille. Leur performance est un dialogue où la musique devient plus qu’un simple art : au-delà des notes et des rythmes, elle raconte une histoire de transmission, d’héritage et de partage.
Le public, en outre, ne peut qu’être emporté par cette énergie chaleureuse qui émane de cette relation filiale, ce qui a rendu le concert encore plus émouvant et captivant. Une chose est sûre, le génie de Fawzi Chekili est intemporel. Quelques décennies en arrière, il se produisait sur les scènes les plus prestigieuses en Tunisie dont Carthage et Hammamet.
Aujourd’hui, ses concerts se font de plus en plus rares. On peut blâmer en premier lieu la dégringolade du goût musical d’une manière générale avec cette vague de pseudos artistes qui s’emparent même des grands festivals. On voudrait quand même voir Fawzi Chekili ainsi que d’autres grands noms qui ont façonné la scène musicale actuelle au centre de la programmation des grands événements culturels. Les mélomanes confirmés ont certainement hâte de les retrouver et les nouvelles générations doivent impérativement découvrir ou redécouvrir leurs œuvres.