Accueil Culture Rencontre avec Skander Tej à l’Alliance française de Tunis : Le street art au service de l’écologie

Rencontre avec Skander Tej à l’Alliance française de Tunis : Le street art au service de l’écologie

Avant de découvrir les détails de la vocation de cet artiste polyvalent, l’auditoire a vu défiler sur grand écran les fresques réalisées dans de nombreux gouvernorats. Son idée est de traverser les frontières urbaines des grandes villes pour toucher un public plus large dans des villages reculés.

Le street artiste Skander Tej a été l’invité de  La Fabrique des arts, forum culturel de l’Alliance française de Tunis, pour la soirée du mercredi 26 mars. Cette rencontre modérée par l’universitaire Farouk Bahri a été l’occasion de présenter au public présent  le projet « 24 villages 24 gouvernorats ». 

Plaçant l’environnement au centre de sa pratique artistique, Skander Tej est connu pour ses fresques murales de grande taille. Comme des toiles vivantes en plein air, elles  captivent  l’attention des passants et suscitent un vif intérêt des photographes. Ces œuvres sont ainsi plus qu’un simple décor urbain.

C’est une façon de mettre de la couleur dans les rues et d’attiser la curiosité afin de sensibiliser le public et faire avancer la cause écologique. Avant de découvrir les détails de la vocation de cet artiste polyvalent, l’auditoire a vu défiler sur grand écran les fresques réalisées dans de nombreux gouvernorats. En effet, son idée est de traverser les frontières urbaines des grandes villes pour toucher un public plus large dans des villages reculés. Il vise ainsi à atteindre les 24 gouvernorats tunisiens. On a donc pu découvrir une fresque réalisée dans un arrêt de bus à Tinja, un village bizertin proche du lac Ichkeul.

Cette fresque représente des oiseaux marins afin d’attirer l’attention sur la biodiversité et les retombées du changement climatique. D’autres œuvres montrent les flamants roses de Sidi Hassine Sijoumi dans toute leur splendeur. Skander Tej s’est arrêté à chaque fois pour une lecture plus approfondie des détails de ses fresques. «Les flamants roses font partie de notre identité, même s’ils ne sont pas représentés dans l’artisanat », souligne-t-il. Une école primaire à Siliana porte sur ses murs les gazelles de la réserve, peintes avec un travail minutieux sur les détails, jusqu’au regard des animaux plus véridique que jamais. Une façon originale de placer la nature au cœur de la ville grâce au street art !

Pour la marina de Monastir, l’artiste a opté pour le mérou, l’espadon et  les tortues marines, tous menacés d’extinction. Le port de Kerkenah est ornementé de pieuvres. Une autre fresque géante à Djerba représente des éléments de la nature juxtaposés à une peinture géante en hommage à Am Saïd, fabricant de paniers traditionnels et qui donne des cours gratuits aux apprenants. D’autres fresques sont réalisées à Sawef de Zagouan, à Sirta au Kef, à la zone touristique de Mahdia… En tout, treize gouvernorats avec l’ornementation tunisienne, la faune et la flore toujours au centre de la réflexion. Il a même participé à un projet à Abidjan dans le cadre d’un échange culturel. C’est un tableau aux couleurs de la Tunisie avec des détails locaux.

Comment cette idée de s’intéresser à l’art urbain engagé a-t-elle vu le jour ? Skander Tej est diplômé en design d’intérieur. Après des années passées dans son atelier à faire des projets à la demande de ses clients, il a été tenté par l’idée de découvrir la rue avec la visibilité qu’elle offre et le fait de pouvoir rendre l’art accessible à tous.

Il a commencé donc par une première fresque dans son quartier, puis quelques villages à Monastir. Devant l’appréciation du voisinage, il s’est alors lancé dans sa tournée afin de faire vivre les rues, les bâtiments avec les couleurs. Les murs sont pour lui comme une toile vierge, une source infinie d’inspiration. «J’ai l’impression que les murs m’appellent », déclare-t-il en riant. Quant au financement, ce sont en général des associations engagées dans l’écologie et la défense de la nature qui le soutiennent. D’autres œuvres sont faites sur la demande des municipalités. 

Certaines fresques rentrent dans le cadre de projets plus grandioses comme Djerba Hood. «C’est l’image qui parle», explique Skander Tej. «Les photos sont partagées sur les réseaux sociaux et font passer des messages, des idées et des émotions». L’impact du street art dans la sensibilisation et la prise de conscience est donc indéniable. De plus, il y a une constante demande, vu le côté esthétique. D’ailleurs, le street artiste a raconté qu’il a été sollicité par un directeur d’hôpital à Kairouan pour une œuvre qui servirait à apporter de la sérénité à l’espace.

Un autre aspect de son art, c’est la communication avec les gens qui suivent pas à pas l’avancement du dessin géant et ont hâte de découvrir le résultat final. Il invite alors à ouvrir les espaces éducatifs à ces initiatives qui transforment l’ambiance par le contact visuel avec le public qui n’est pas forcément connaisseur du domaine des beaux-arts.

Skander Tej porte encore des rêves à atteindre. Cependant, il se trouve des fois confronté aux formalités administratives et au manque de fonds. Il invite les municipalités à accorder une part du budget prévu à la décoration  pour le street art. «Il faut de la patience, je souhaite valoriser ces espaces,  leur accorder une nouvelle identité».

Des œuvres emblématiques font aujourd’hui partie intégrante du paysage et parsèment l’univers visuel des plus grandes cités. Des festivals consacrés au street art ont lieu chaque année dans différentes villes du monde entier. Skander Tej lui-même est invité à un projet de grande ampleur à Lyon. Des galeries se sont implantées afin de prôner ce style. Il est peut-être temps d’intégrer cet art dont la popularité ne cesse de croitre dans les initiatives de développement urbain chez nous, en commandant des œuvres publiques et en mettant en place des budgets participatifs pour financer ces projets.

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