Accueil A la une Ramadan : On a tout fait pour éviter la pénurie alimentaire, mais pas le gaspillage

Ramadan : On a tout fait pour éviter la pénurie alimentaire, mais pas le gaspillage

On peut se réjouir que notre pays n’ait pas connu de pénurie durant ce mois de Ramadan, avec une disponibilité généralisée des produits de première nécessité. Cependant, et comme à l’accoutumée, les pertes et le gaspillage alimentaires étaient au rendez-vous. 

La lutte contre le gaspillage alimentaire implique l’intervention de plusieurs parties dont, nécessairement, les municipalités. C’est un maillon incontournable de la chaîne de cette lutte, a souligné Zoubeir Rabah, directeur des études et enquêtes, à l’Institut national de la consommation, lors d’un débat en ligne organisé par la Fédération nationale des communes tunisiennes (Fnct) durant ce mois de ramadan, auquel ont pris part Fatma Bouallagui, représentante de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture en Tunisie (FAO), et deux représentants des communes qui ont adhéré à des projets pilotes supervisés par cet organisme onusien, visant la réduction des pertes et du gaspillage alimentaires, à savoir celles de Tunis et de La Goulette.

Le gaspillage du pain, une habitude à bannir

Le phénomène du gaspillage alimentaire est observé partout dans le monde. «Chaque année, environ un milliard de tonnes de nourriture est perdu ou gaspillé. Le gaspillage alimentaire est d’abord un problème mondial qui est présent tout au long de la chaîne de production, mais il est surtout présent au sein des ménages».

Il est responsable d’une partie non négligeable des gaz à effet de serre émis par le système alimentaire dans le monde, et constitue par conséquent un fléau dévastateur pour l’environnement. Un constat sur lequel certains départements ministériels doivent se pencher, d’autant que le problème de la pollution a été le plus souvent pointé du doigt par le Président de la République.

S’arrêtant brièvement sur les statistiques se rapportant au gaspillage, Zoubeir Rabah a expliqué que ce phénomène a pris de l’ampleur à partir de 2014. Le gaspillage du pain a atteint 102 mille tonnes par an, soit l’équivalent de 900 mille pains par jour, soit une valeur de 300 milledinars, soit 100 millions de dinars par an, selon les statistiques dévoilées par l’Institut national de la consommation (INC), publiées dans une étude remontant à 2016. Il rappelle à ce titre qu’une stratégie nationale pour la réduction du gaspillage de pain a été élaborée dans le cadre du projet de la FAO visant à réduire le gaspillage alimentaire.

L’organisation en question a même assuré, en février 2019, en partenariat avec le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, et l’INC, une formation au profit de 60 enseignants des écoles et lycées autour des bonnes pratiques de réduction du gaspillage alimentaire (pain et produits laitiers). Ces activités entrent dans le cadre de l’exécution du projet lancé en 2016 par la FAO suite à des études qui ont permis d’estimer le gaspillage et les pertes aux niveaux des filières lait et céréales et d’identifier leurs causes et ont mis en évidence les priorités stratégiques en Tunisie.

Le point de départ du projet était les données statistiques alarmantes sur la proportion des pertes et gaspillage alimentaires qui s’élevait à environ 200 kg par personne par an dans la région Mena. Parmi les objectifs de ce projet, l’amélioration de la sécurité alimentaire et la réduction des impacts négatifs des pertes et gaspillages alimentaires sur les ressources naturelles.

Une nouvelle stratégie contre le gaspillage alimentaire à l’étude

La stratégie nationale pour la réduction du gaspillage de pain s’est principalement concentrée sur la communication, la sensibilisation et la formation des représentants de la société civile, mais elle n’a pas abouti à des résultats concrets sur le terrain, regrette Zoubeir Rabah.  Mais l’échec pourrait aussi provenir de la non-implication des municipalités dans cette stratégie qui s’apparente beaucoup plus à un pacte non contraignant, rien de plus.

C’est d’ailleurs pour cette raison que Rabah n’a pas manqué de souligner l’importance de l’implication, dorénavant, de la Fnct dans le processus de lutte contre ce phénomène.  La représentante de cette instance onusienne, Fatma Bouallagui, a d’ailleurs mis en avant, lors de son intervention dans le cadre de ce débat, le soutien apporté par le FAO aux municipalités de Tunis et de La Goulette pour mettre en œuvre des actions pilotes visant la réduction des pertes et du gaspillage alimentaires, invitant par la même occasion les municipalités à  adhérer à de tels projets.

Il est à souligner qu’en matière de gaspillage, le pain caracole en tête avec 16%, en particulier durant le mois de Ramadan durant lequel la consommation de la baguette augmente en moyenne de 135%. Les céréales et leurs dérivés se classent en deuxième position avec 10% et enfin les légumes avec seulement 7%. En 2021, le gaspillage alimentaire dans les foyers tunisiens a représenté 5 % des dépenses alimentaires, soit 910 millions de dinars en 2021, rappelle encore Zoubeir Rabah.

Ce phénomène nécessite aujourd’hui l’élaboration au plus vite d’un tableau de bord en vue de collecter les informations se rapportant au gaspillage pour bien les analyser et les exploiter en second lieu, et prendre à la fin les décisions appropriées contribuant de manière efficace à la lutte.

Une nouvelle stratégie nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire sera adoptée d’ici septembre 2025, selon la déclaration en février dernier de Mohamed Chokri Rejeb, Directeur général de l’INC. Ce dernier a ajouté que l’élaboration de cette feuille de route implique l’expertise de nombreux ministères, dont ceux en charge du Commerce, de l’Agriculture et de l’Industrie.

«Cette stratégie reposera sur plusieurs axes, notamment la sensibilisation aux impacts socioéconomiques et environnementaux du gaspillage alimentaire, l’implication de toutes les parties prenantes, l’intégration de cette problématique dans les programmes éducatifs et la mise en place d’un cadre réglementaire spécifique».

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