
La vérification fiscale préliminaire telle que prévue par l’article 37 du code des droits et des procédures fiscaux est l’une des trois formes de contrôle prévues par ledit code. Elle repose exclusivement sur les informations détenues par l’administration fiscale, sans que celle-ci ne puisse exiger la présentation de documents comptables pour les contribuables soumis à l’obligation de tenir une comptabilité.
Généralement initiée par une demande de renseignement ou d’éclaircissement, cette vérification vise à résoudre des discordances entre les informations déclarées par le contribuable et celles en possession de l’administration. Cependant, certaines pratiques constatées dans son application posent question et peuvent ébranler le droit de défense des contribuables.
Un détournement de la procédure au détriment du contribuable
Dans plusieurs cas, l’administration fiscale sollicite des éclaircissements sur des sujets dont la justification repose nécessairement sur des éléments comptables. Par exemple, lorsqu’elle interroge un contribuable sur une marge bénéficiaire jugée anormalement basse par rapport à celle d’autres entreprises similaires, la réponse repose inévitablement sur l’analyse des documents comptables. Or, la vérification fiscale préliminaire ne permet pas à l’administration d’exiger ces documents.
Deux situations en découlent alors :
•Soit l’administration demande au contribuable de produire ses documents comptables, ce qui constitue un dépassement manifeste des limites de cette procédure.
•Soit elle refuse d’accepter ces documents en tant que justificatifs, restreignant ainsi le droit du contribuable à se défendre efficacement.
Dans les deux cas, le contribuable se trouve dans une position délicate, face à une administration qui, en contournant le cadre légal, risque de compromettre à la fois ses droits et la validité de la procédure fiscale elle-même.
Un manque de transparence dans les reconstitutions de revenus
Un autre cas problématique concerne les demandes d’éclaircissements sur les écarts entre le revenu déclaré par le contribuable et celui estimé par l’administration fiscale.
Les courriers adressés par l’administration ne fournissent généralement aucune information sur la méthode de calcul ni sur les données ayant conduit à ces écarts, plaçant ainsi le contribuable dans l’impossibilité de répondre ou de contester efficacement les chiffres avancés. Dans certains cas, l’écart résulte d’une erreur d’un tiers, par exemple lorsqu’un client du contribuable déclare d’une manière erronée ses achats.
Malgré la présentation de pièces justificatives démontrant cette erreur, l’administration persiste parfois à exiger du contribuable qu’il contacte lui-même la partie fautive pour rectifier la déclaration, alors qu’elle dispose des prérogatives nécessaires pour exiger cette correction directement. Une telle approche met en péril le principe d’équité dans le contrôle fiscal.
Vers une refonte nécessaire des dispositions légales
Ces dérives illustrent l’urgence de revoir le cadre juridique encadrant la vérification fiscale préliminaire. Il est essentiel d’y intégrer des garde-fous garantissant :
•Une limitation stricte du champ d’application de cette procédure, afin d’éviter qu’elle ne se substitue abusivement à la vérification fiscale approfondie.
•Une transparence accrue dans la communication des reconstitutions de revenus, en imposant à l’administration l’obligation de fournir les bases et méthodes de calcul.
•Une responsabilisation de l’administration dans la correction des erreurs déclaratives imputables à des tiers, afin de ne pas faire peser sur le contribuable des obligations qui ne sont pas les siennes.
Certaines décisions de justice ont déjà reconnu l’inadéquation de la vérification fiscale préliminaire dans des situations où elle ne permettait pas d’assurer un contrôle fiscal équitable. Il appartient désormais au législateur de traduire ces principes dans la loi afin de préserver à la fois les droits des contribuables et les intérêts de l’État.