
Il m’arrive de penser que la nature humaine, avec sa chute réitérée dans le mal, est désespérante. Comment comprendre sinon ce qui se passe ? Le crime est collectif, peut-être ancestral, peut-être irrémédiable…
Mais, il nous reste la force de l’espoir, n’est-ce pas, mon ami? Cet espoir, à la fois fragile et invincible,qui nous permet de détourner la folie des hommes et de joindre ces contrées calmes, heureuses, immuables…
Ces contrées que je retrouve,incessamment,dans la tombée de mes paupières qui se ferment lentement. Ici, je suis sur la terrasse d’une maisonnette penchée sur la vallée, par une fin d’après-midi d’hiver, avec déjà, dans le dernier souffle du soleil, la promesse du printemps… au Sud-Liban; là, je suis en haut d’une montagne indolente, ondulant dans son immense robe de neige — et ce silence autour, quel silence ! — … Laqlouq ; Là-bas, je me glisse dans les bras grands ouverts, en prière, en abnégation, d’un cèdre des cieux, millénaire… à Bcharré.
Je t’écris, mon ami, pour prendre de tes nouvelles, toi qui vis là-bas…Et voilà que je repars vers ces contrées de l’espoir mue par cet appel toujours aussi vif, les yeux fermés…
Les yeux ouverts, je ne peux pas, on ne peut pas…Les maisons pendues dans les décombres, les vies arrêtées, les corps calcinés, les pieds nus, le froid, la faim, la soif,le livre déchiré, le poème désenchanté,l’olivier saignant, les cèdres en berne, les regards vides face à l’horreur inhumaine… à Gaza. Et partout dans les cœurs.
Les yeux ouverts, on n’en peut plus. Les yeux fermés, on ne peut pas. Violence intenable.
Mais, êtres humains, si vivants,le réveil est notre destin. Nos yeux finissent toujours par s’ouvrir naturellement. Notre conscience aussi, fatalement…
Espoir.
Texte par Chema Ben Chaabene
(Autrice)
(Ecrit le 28 mars 2025)