Accueil Economie Tribune : Mathématiques, le cœur battant de l’IA (IV)

Tribune : Mathématiques, le cœur battant de l’IA (IV)

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Par Mohamed Jaoua, mathématicien

Je me permettrais de conclure ce trop long article par une note personnelle. Lorsque je me suis trouvé confronté, d’abord à Nice puis lors de mon passage en Egypte, à des étudiants rétifs à notre bonne vieille méthode « bourbakiste » pour enseigner les Maths, j’ai été obligé de revoir ma copie. Je me suis retrouvé à « réinventer la roue » avant de découvrir que beaucoup d’autres l’avaient fait avant moi.

À l’âge de cinquante ans passés, je me suis adapté aux compétences de mes étudiants et à leurs attentes, en tournant le dos à la plupart des méthodes que j’avais utilisées durant plus de trente années pour enseigner les Mathématiques à des élèves qui y étaient prédisposés, mais de moins en moins nombreux chaque année.

J’ai aujourd’hui le bonheur d’accompagner l’apprentissage de ma petite-fille, bientôt âgée de six ans, qui achève cette année son parcours de maternelle. Elle y apprend les Maths en utilisant la méthode de Singapour, je le fais avec joie à ses côtés. C’est à ce niveau-là que commence notre bataille pour les Mathématiques, une bataille qui sera vitale pour décider du devenir et de la pérennité de la Tunisie en tant que nation indépendante.

Il s’agit pour nous de décider si nous voulons entrer dans le siècle présent pour y prendre toute notre place, si nous sommes décidés à nous adapter pour préparer le futur de notre pays et de ses jeunes générations. Cette place et ce futur passent nécessairement par la réappropriation par l’ensemble de notre société des mathématiques, lesquelles, comme l’écrivait le philosophe français Alain Badiou, « pourraient bien être le chemin le plus court pour la vraie vie ». 

Resté à l’écart des bouleversements majeurs du XIXe siècle, notre pays avait raté le coche des deux premières révolutions industrielles, ce qui avait ouvert en 1881 la voie à sa mise sous tutelle coloniale durant soixante-quinze ans. Selon le mot de Bourguiba, il avait alors été colonisé parce qu’il était colonisable.

Toutefois, forte de la politique éducative ambitieuse mise en place à partir de 1956, la Tunisie indépendante a pu remonter la pente jusqu’à pouvoir accompagner tant bien que mal la troisième révolution industrielle – celle de l’informatique. De sorte qu’elle est aujourd’hui en mesure d’aborder la quatrième révolution en cours, celle de la data et de l’IA, avec des chances raisonnables de s’accrocher au train de la nouvelle économie.

Car cette révolution repose sur des fondamentaux que nous possédons : une population éduquée, une école mathématique de haut niveau, une économie et une société ouvertes sur l’Europe et le monde, ainsi que des ressources humaines de qualité, abondantes et capables de s’adapter aux nécessités du temps présent, que le monde entier nous arrache en attendant que nous puissions leur offrir les conditions qui leur permettraient de servir leur pays. D’autres l’ont fait avant nous, le Maroc notamment qui nous a largement dépassés alors qu’il était loin derrière nous dans les années 90.

Il ne nous manque pour cela que la prise en compte intellectuelle de ces impérieuses inflexions, la levée des blocages qui s’y opposent, et surtout la volonté politique pour le faire. Alors … chiche ?

N.B. : L’opinion émise dans cette tribune n’engage que son auteur. Elle est l’expression d’un point de vue personnel.
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