
Rarement une association aura fait corps avec une identité comme la Rachidiya. Elle est devenue synonyme d’enracinement et d’authenticité pour toute une nation, du nord au sud du pays, comme si elle avait, de toute éternité, été le temple de notre «musique classique» à nous.
Il faut dire que l’Association de l’Institut al-Rachidi de musique, telle qu’officiellement dénommée par ses fondateurs, doit son existence à l’initiative d’un groupe d’hommes politiques, d’intellectuels, d’écrivains et d’artistes conduits par le maire, cheikhs al-madina, de la capitale. Ils ont mis leur entreprise sous l’égide de Mohamed ar-Rachid Bey, troisième souverain de la dynastie husseinite, passionné de musique andalouse qui a mis en place une école de musique au palais du Bardo qui a été conservée par ses successeurs. Son souvenir se perpétuera ainsi aussi longtemps que les Tunisiens resteront attachés à leur patrimoine musical.
La crème de la société tunisoise s’est mobilisée deux ans après le Congrès de la musique arabe tenu en mars 1932 au Caire pour faire face à la déferlante de chansons occidentales et orientales véhiculées par une industrie du disque en plein essor et qui mettait en péril l’existence même du patrimoine musical national en pleine période d’occupation coloniale.
Son premier concert en 1935 au Théâtre municipal de Tunis sera le premier pas vers la consécration académique et populaire
Dans un premier temps, l’Institution s’est attelée à la sauvegarde du patrimoine musical tunisien, en particulier le malouf et ses variantes. Elle entreprend un travail considérable de documentation que vient consolider la création, après l’Indépendance, d’un conservatoire pour l’apprentissage du malouf. Puis elle s’engage dans la créativité et l’innovation. A cet égard, l’apport du groupe « Taht es-Sour » au répertoire de la Rachidiya est crucial. Ce même groupe organise, début 1935, le premier concert de l’Institut au Théâtre municipal de Tunis, premier pas vers la consécration académique et populaire.
La Rachidiya connaîtra ses plus belles années durant les années 50 et 60 du siècle dernier au cours desquelles elle multipliera recherches, concerts et publications, y compris sonores sous forme de disques. Elle découvrira les voix d’or qui résonneront aux confins du Maghreb et jusqu’en Orient, telles Chafia Rochdi, Fathia Khaïri, Saliha, Oulaya ou Naâma et les compositeurs et musiciens de grand talent tels Tahar Gharsa, Salah el-Mahdi, Ahmed Saâda, Abdelhamid Ben Aljia, Ridha Kalaï et Kaddour Srarfi. En même temps, elle s’emploiera à se moderniser par l’adoption de la notation musicale, l’introduction dans son orchestre de nouveaux instruments ou la constitution d’une chorale.
Fin des années soixante, l’étoile de la Rachidiya pâlira à la suite de la constitution de l’Orchestre de la radio (et, plus tard, télévision) tunisienne qui vont soumettre l’institution à une rude concurrence.
(A suivre)