
Le recours accru au crédit bancaire marque un début d’année dynamique pour le secteur financier tunisien. Selon l’analyste financier Bassem Neifer, les prêts accordés par les banques tunisiennes ont connu une hausse notable jusqu’à fin février 2025, comme l’indique le dernier rapport de la Banque centrale de Tunisie.
Lors de son passage hier jeudi 10 avril sur Express FM, Neifer a expliqué que cette augmentation survient malgré un taux d’intérêt directeur élevé de 8 %, alors en vigueur avant sa récente réduction.
“La majorité des prêts sont de courte durée et utilisés pour le fonctionnement quotidien des entreprises : paiement des salaires, achats de stocks, règlements fournisseurs… Ce dynamisme reflète une certaine activité économique, mais aussi des tensions de trésorerie”, a précisé l’économiste.
Crédit, loi sur les chèques et tension de liquidités
Une des explications avancées par Neifer est l’impact indirect de la nouvelle législation encadrant les chèques, qui pousse les entreprises à se tourner davantage vers les financements formels.
Cependant, il a alerté qu’une augmentation du recours à l’emprunt, sans hausse proportionnelle de l’activité ou des prix, signifie souvent des marges réduites. “Les entreprises vendent au même prix, mais avec un coût financier plus élevé”, a-t-il encore précisé, tout en ajoutant que ce phénomène participe à la hausse des prix observée sur plusieurs produits, contribuant à une pression supplémentaire sur l’inflation.
Du côté du secteur agricole, il a indiqué que les récentes pluies abondantes ont stimulé les investissements dans les cultures et les équipements, dopant ainsi la demande de crédits à moyen et long terme.
À l’inverse, le secteur industriel affiche un recul de 0,8 % des crédits au mois de février. En cause : un affaiblissement de la demande extérieure, alors que l’industrie tunisienne est majoritairement tournée vers l’export.
Neifer a aussi cité les nouvelles barrières douanières annoncées par le président américain Donald Trump, dont les effets retardés pourraient affecter la croissance de la zone euro de 0,5 à 1 %, avec des répercussions directes sur les exportations tunisiennes.
Crédit aux particuliers en hausse malgré les contraintes
Les particuliers ne sont pas en reste. Le crédit à la consommation progresse lentement, tandis que les prêts immobiliers enregistrent une hausse annuelle de 5,2 %, encouragés notamment par la baisse de la TVA sur certains produits liés à l’habitat.
Néanmoins, l’offre reste limitée face à la demande, notamment en raison des critères stricts d’octroi et des coûts de financement élevés, parfois au-delà de 10 % pour le taux effectif global (TEG).
Face à cette situation, Neifer a indiqué qu’il y a une contradiction inquiétante entre la hausse du taux d’endettement, le faible niveau de croissance, la faible épargne nationale et des demandes record de financement de l’État.
Le secteur bancaire, selon lui, ne peut continuer à porter seul la dynamique économique sans une amélioration globale du climat financier, fiscal et économique.
“Le système bancaire ne peut pas prendre des risques illimités. La reprise du crédit dépendra de l’amélioration des fondamentaux macroéconomiques”, a-t-il encore précisé.