
Lors d’une séance de dialogue organisée ce dimanche 13 avril 2025 à la salle municipale de Sfax, consacrée au projet présidentiel de réforme du Code du travail, l’expert en risques financiers, Mourad Hattab, a lancé un cri d’alarme sur l’ampleur du travail précaire en Tunisie et les dérives du recours à la sous-traitance, y compris au sein des institutions publiques.
Dans une déclaration à l’Agence TAP, Hattab a affirmé que 20 % des travailleurs sous-traitants opèrent dans le secteur public, en violation flagrante de la loi de 1985, qui interdit le recours à la sous-traitance, à l’emploi précaire et aux contrats à durée limitée. “L’État est le premier à enfreindre cette législation”, a-t-il déclaré.
L’expert a souligné que, selon les dernières données professionnelles actualisées, 300 entreprises de sous-traitance sont recensées en Tunisie — déclarées et non déclarées — dont 90 sont basées à Sfax, une plateforme économique stratégique.
Le secteur emploie environ 230 000 personnes, dont 167 000 dans les services de nettoyage et de sécurité. Des métiers qu’il qualifie de structures essentielles et permanentes, nécessitant une intégration urgente. Il a également insisté sur la modernisation du secteur de la sécurité, désormais confronté à des mutations technologiques, notamment liées à l’intelligence artificielle et aux systèmes électroniques.
Hattab a mis en garde contre le risque de contournement du futur Code du travail après son adoption, déplorant l’absence de mécanismes de contrôle efficaces pour assurer l’application stricte de la loi.
Selon lui, 1,6 million de Tunisiens exercent une activité marginale sans véritable contrat de travail, ce qui a causé en 2020 une perte estimée à 1,4 milliard de dinars pour la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), d’après un rapport de l’Institut tunisien des études stratégiques.
Il a appelé à des solutions concrètes et inclusives, estimant que le projet de réforme porté par la présidence de la République constitue une avancée majeure pour restaurer le rôle social de l’État et mettre fin aux abus dans la rémunération et l’emploi des travailleurs, qui persistent depuis des décennies.
De son côté, Badr Essamawi, expert en protection sociale, a salué le projet de réforme du Code du travail, actuellement entre les mains de l’Assemblée des représentants du peuple, le qualifiant de “révolution sociale”. Il a dénoncé l’usage abusif des contrats à durée déterminée, qui a conduit à une forme de traite moderne, facilitée par une interprétation erronée des articles 28, 29 et 30 du Code actuel.
Essamawi a souligné que le nouveau texte vise à instaurer un équilibre entre les droits des travailleurs et la stabilité des entreprises, mais a reconnu que la réforme s’annonce complexe et exige une lecture juridique approfondie pour éviter les dérives.
Pour sa part, la députée de Sfax, Fatma Mseddi, s’est dite indignée par les conditions de travail de nombreux sous-traitants, y compris des diplômés, dans des structures publiques, privées et semi-publiques. Elle a dénoncé des pratiques assimilables à de la quasi-esclavagisme, et s’est interrogée sur le rôle de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) dans la défense de ces travailleurs.
Selon elle, “la réforme ne suffit pas”, et l’État doit appliquer la loi à lui-même avant d’en exiger le respect chez les opérateurs privés.