Accueil Culture Chroniques de la Byrsa : Un monument, ça s’use, ça s’use…

Chroniques de la Byrsa : Un monument, ça s’use, ça s’use…

Nous voulons, sur l’air des lampions, question de ne rien dramatiser, mais tout de même pour attirer l’attention de qui de droit, rappeler une réalité visible à l’œil nu mais qui finit par se banaliser au point de passer pour quelque chose d’ordinaire, de « normaaal » comme on a pris l’habitude de dire chez nous.

Notre paysage urbain, assujetti depuis plusieurs dizaines d’années à la loi du profit maximum, ne concède pratiquement aucune place à l’esthétique ou aux loisirs collectifs pour jeunes et moins jeunes. Du bâti, encore du bâti et toujours du bâti pour tirer un maximum de bénéfices ou pour comprimer le plus possible les dépenses estimées superflues. Dans les entreprises privées comme dans celles publiques. Point d’espaces verts ou presque et encore moins d’espaces de loisirs collectifs à caractère artistique. Cela réduit les bénéfices ou augmente les frais pour les réalisations à caractère social. Et lorsqu’on se résout à « embellir » le cadre de la vie urbaine, on fait du  n’importe quoi avec ce qu’on a sous la main et dont la réalisation ne coûte pas cher, fût-ce des ustensiles de cuisine ! Ces « accessoires » garnissent généralement les ronds-points d’accès aux villes ou aux gigantesques quartiers périurbains et se dégradent presqu’aussitôt installés.

Tout cela, nous avons fini par nous y habituer. Mais il se trouve que subsistent ici ou là des îlots (qui se comptent sur les doigts de la main) d’aménagement précédant la longue traversée du désert pour la qualité de la vie que nous vivons dans nos cités. Nous ne parlons pas de ceux de la période d’avant l’indépendance. Au rebus ! Lors même que leur éventuel caractère colonial pourrait être « détourné » à des fins pédagogiques. Passons. Nous parlons de ceux réalisés par des artistes tunisiens dans une optique nationale. 

On saura gré au chef de l’Etat dont l’intervention l’an dernier, en faveur de la piscine municipale de la capitale, a permis de sauver la fresque en métal de l’artiste Gorgi sur la façade du bâtiment. Et à son prédécesseur d’avoir rétabli la statue équestre du fondateur de la République à (presque) son emplacement premier après  avoir été « exilée » à La Goulette. 

Nous voulons, ici, évoquer l’un des rares monuments, sinon le seul, de la capitale (et peut-être du pays) à ne pas se justifier par des raisons politiques : la statue monumentale en bronze de notre illustre savant Abderrahmane Ibn-Khaldoun. Jeudi dernier, elle se détachait sur fond de splendide ciel bleu lorsque je suis passé devant après une longue désertion de l’avenue principale du pays. A hauteur du monument, je ne peux jamais m’empêcher de détailler les traits du visage du personnage. A son inauguration, en 1978, certains ont relevé, par taquinerie plus que par méchanceté, que Zoubeir Turki, auteur de l’œuvre, avait prêté ses propres traits au personnage dont nous ne possédons aucun portait historique, bien entendu. A bien y regarder, comme je le fais depuis quelques décennies, oui, la taquinerie est fondée. Mais, cette fois-ci, ce que j’ai découvert en plus, c’est la dégradation avancée de l’œuvre. Soumis aux rigueurs des intempéries, le bronze est attaqué, parfois sévèrement en plusieurs endroits, par le vert-de-gris. Finira-t-il par tomber en poussière par manque d’entretien ?

Avis aux autorités municipales qui semblent ignorer cette évolution.

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