Accueil Culture L’E-FEST Revient à Ksar el Ferch – Masterclass autour des sonorités électroniques et des traditions : Capter les sons des palmeraies

L’E-FEST Revient à Ksar el Ferch – Masterclass autour des sonorités électroniques et des traditions : Capter les sons des palmeraies

Le cadre qu’offre le Sud tunisien a inspiré aux artistes une «musique cinématique» qui leur est propre tout en portant une touche locale reconnaissable.

Le site historique de Ksar el Ferch, situé à Tataouine, qui a abrité du 11 au 13 avril un événement culturel de grande envergure, a réuni durant trois jours, des musiciens tunisiens et étrangers autour d’une seule passion « la musique ». En parallèle avec les spectacles,  des débats et des masterclass ont été organisés au cours des journées. Cet échange entre les artistes confirmés et les participants était l’occasion de découvrir la genèse de leurs créations, captivant, ainsi, le public et inspirant les talents en herbe. Azu Thiwaline et Cinna Peyghami sont les noms de scène des deux artistes qui ont présenté lors de la matinée du 11 avril une masterclass intitulée « Live synthé modulaire et tradition ».

Dans une ghorfa du ksar, avec une décoration artisanale bien entretenue, les festivaliers se sont rassemblés pour explorer une tendance musicale hors norme. Avec des origines iraniennes pour Azu et tuniso-cambodgienne concernant Cinna, ils ont fusionné leurs méthodes de travail et leurs influences pour déployer un univers qui leur est propre.

Actuellement en résidence artistique à Béni Khedache, au Sud tunisien, le duo s’inspire du cadre idyllique du désert et des oasis pour une création musicale originale. Il compte déjà deux albums à son actif et de nombreux concerts réussis. Cinna Peyghami est productrice de musique électronique depuis 30 ans. Une longue carrière d’expérimentation musicale portant les empreintes de ses inspirations variées. Ayant grandi en Côte d’Ivoire, cette atmosphère nourrie de rythmes, de percussion et  la recherche d’une transe par la musique font les fondements de son art. Depuis qu’elle a choisi de s’installer dans un village à Tozeur, les notes qu’elle compose sont imprégnées « des sons adaptés à l’endroit : le silence du désert et un zoom des bruits des palmeraies, les oiseaux, l’eau quand il y a de l’irrigation ». « Je joue avec le silence comme si c’était un instrument », explique Donia, alias Cinna Peyghami.

Son compagnon dans ses projets de métissage musical est le spécialiste du tombak Azu Thiwaline. Avec cet instrument de percussion iranien, un souffle nouveau s’est ajouté aux sonorités électriques. Leur collaboration qu’ils décrivent comme « un coup de foudre musical » remonte à 5 ans. Compositeur depuis son jeune âge et batteur à la base, le jeune Iranien élevé à Paris s’est longtemps amusé à créer de nouveaux sons avec les dispositifs de technologie modernes. Pour lui, « la question, c’est qu’est-ce que nous offrons aux gens avec ces machines ? ». 

Comme il considère que « jouer un vrai  instrument en live est une sensation unique », il a eu l’idée ingénieuse de combiner deux mondes : les sons générés par l’ordinateur et les notes traditionnelles du tombak qui lui rappellent ses origines iraniennes. De nouvelles techniques ont fait de cet instrument qui s’apparente à notre darbouka tunisienne un outil musical de soliste. L’artiste a pensé à brancher sa percussion directement dans le synthétiseur et c’est ainsi qu’il a vu l’objet de sa quête. «C’est une musique qui répondait à quelque chose de l’intérieur, a expliqué Azu Thiwaline. Cela a toujours résonné en moi».

Le duo a enchaîné des collaborations régulières. Pour les deux derniers albums, le Djérid tunisien est leur point de départ créatif. Avec très peu de mélodies, ils ont tenté de créer une atmosphère où «on se situe en écoutant la musique», «un espace sonore avec peu de sons et des effets ». Cinna Peyghami nous a expliqué sa technique singulière : «J’enregistre les sons autour de moi : la radio du voisin, l’appel à la prière, les oiseaux… Il s’agit d’ajouter un côté organique à mes compositions». Le cadre qu’offre le Sud tunisien a inspiré aux artistes une « musique cinématique » qui leur est propre tout en portant une touche locale reconnaissable.

«J’imagine toujours la musique avec des images, des mouvements», explique Cinna. «Cela amène l’auditeur à des endroits dont il peut rêver, une sorte d’effet hypnotique. Il ne subit pas comme pour une mélodie avec des refrains. C’est comme pour un voyage psychodélique. Quand je joue, je remarque qu’ils ferment les yeux. Ma musique les traverse. Je le vois dans leur expression corporelle quand ils dansent».

L’ordinateur est ainsi une toile pour peindre des sonorités personnalisées. Quand la composition est finie, elle est découpée en morceaux. Une part est laissée à l’improvisation sur scène, mais il y a toujours un fil directeur. Étirer des sons, les rejouer.. Les décisions se font en temps réel avec un échange de regard.

Azu Thiwaline a fait une démonstration aux participants présents à la masterclass. Il peut étouffer la peau de son tombak avec les mains et créer des rythmes avec une panoplie de sons combinés aigus graves, hauts..

Son dispositif lui permet de transformer le son en temps réel avec le micro contact qui capte les vibrations physiques sur l’instrument. « Un terrain de jeu infini. Tellement de choses à explorer !», avance le musicien. «On peut ajouter des effets : échos, sons d’autres instruments iraniens, des voix…», continue -t-il. «C’est comme jouer plusieurs instruments à la fois avec des boutons».

Les deux artistes qui ont puisé dans notre désert pour créer leurs albums sont montés sur scène lors de la soirée de clôture de l’E-Fest, au grand bonheur du public qui a longuement applaudi leur performance.

Ils s’apprêtent à partir bientôt au Cambodge, pays d’origine de Cinna, pour une nouvelle expérience dans un cadre nouveau, ce que la compositrice a appelé «des cartes postales sonores pour chaque pays». 

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