
Alors que les pays les mieux nantis du monde se sont lancés dans une course effrénée vers l’IA, synonyme aujourd’hui de croissance économique, mais aussi de souveraineté, la Tunisie dispose de solides atouts pour se positionner sur ce marché mondial en pleine expansion et en faire un levier de croissance et de développement.
Qui aurait cru que l’usage de l’intelligence artificielle deviendrait un jour aussi simple qu’un claquement de doigts ? Il y a quelques années à peine, l’expression « intelligence artificielle » était exclusivement connue et utilisée par une sphère restreinte : celle des informaticiens. Aujourd’hui, le concept s’est démocratisé, et l’expression est devenue un véritable fourre-tout, mobilisée pour expliquer tout phénomène technologique invraisemblable.
Dans l’imaginaire collectif, l’IA est assimilée à une superpuissance capable de tout résoudre et d’accomplir n’importe quelle tâche. En sciences informatiques, l’IA désigne des systèmes capables d’effectuer des tâches qui mobilisent généralement l’intelligence humaine, notamment le raisonnement, l’apprentissage, la perception et la compréhension du langage. Ces systèmes sont en mesure d’analyser de vastes ensembles de données, de repérer des schémas et de prendre des décisions avec une rapidité et une précision inédites.
Bien que son apparition remonte aux années 1950, l’IA a connu un véritable essor à partir des années 2010, jusqu’à se démocratiser avec l’émergence des chatbots et des IA génératives. Deux facteurs principaux ont contribué à ce succès : l’augmentation exponentielle de la puissance de calcul des ordinateurs, grâce aux avancées réalisées dans les technologies de processeurs, et l’explosion des données liées à la numérisation croissante de tous les secteurs.
Un enjeu géopolitique
En quelques années seulement, l’IA est donc passée d’une simple filière cantonnée à un environnement de recherche et développement à un véritable secteur économique, dont le marché devrait dépasser les 500 milliards de dollars d’ici 2028.
Mais pas que ! L’IA est aujourd’hui un enjeu géopolitique, matérialisé par une course effrénée vers cette technologie qui dépasse les simples aspects scientifiques pour s’immiscer dans notre quotidien. « Celui qui deviendra leader en ce domaine sera le maître du monde », déclarait Vladimir Poutine en septembre 2017 à propos de l’intelligence artificielle. La course à l’IA est désormais une guerre ouverte entre grandes puissances. Dans la foulée de l’annonce en début d’année du président américain sur le lancement de Stargate — un projet de 500 milliards de dollars visant à renforcer l’IA — l’Union européenne a répliqué avec l’initiative Invest AI, qui mobilise 200 milliards d’euros d’investissements.
Et avec l’irruption de ChatGPT, plusieurs pays dans le monde ont tenté de lancer des alternatives souveraines. C’est le cas, par exemple, de l’IA française Lucie, qui s’est révélée être un véritable fiasco, ou encore de DeepSeek, une rivale très performante de la célèbre IA conversationnelle américaine. Dans la balance des avantages et des inconvénients de l’IA, philosophes et scientifiques peinent encore à trancher. Les appels à la prudence face aux dérives de l’IA se multiplient. Pourtant, les domaines dans lesquels elle a déjà fait des merveilles sont nombreux.
En biotechnologie, son apport est considérable : elle permet de diagnostiquer plus efficacement les maladies, de développer des médicaments et de personnaliser les traitements. Dans plusieurs secteurs économiques, l’IA rime avec efficacité, optimisation, gain de temps et réduction des coûts. En actuariat, gestion des chaînes d’approvisionnement, logistique, l’IA est un véritable atout pour l’entreprise. Mais l’IA a aussi son côté sombre : deepfakes, manipulations des marchés financiers, cybercriminalité, vol et corruption de données… L’absence de maîtrise et de régulation de l’IA pourrait avoir des conséquences graves sur les sociétés, les économies et l’humanité dans son ensemble. Une étude récente de Microsoft révèle d’ailleurs que l’utilisation de l’IA générative nuit aux capacités de pensée critique.
Un levier de croissance pour la Tunisie
En tout état de cause, l’intelligence artificielle est aujourd’hui un levier de croissance économique et de progrès. S’y positionner permet à un pays de réaliser un saut qualitatif dans de nombreux domaines. La Tunisie peut devenir un hub d’innovation et de recherche en IA. Elle dispose, en effet, de solides atouts académiques pour se hisser parmi les pays leaders. Le pays se distingue dans plusieurs classements internationaux, occupant la 5e place en Afrique et la 1ère en Afrique du Nord selon l’indice de préparation gouvernementale à l’IA. En matière de publications scientifiques, la Tunisie figure également parmi les mieux classés du continent.
Le plus important reste le vivier de talents dont elle dispose : 15 % des étudiants sont inscrits dans des filières informatiques, 20 parcours académiques sont consacrés à l’IA, plus de 90 établissements intègrent l’IA dans leurs cursus et une dizaine de laboratoires de recherche travaillent activement dans ce domaine.
Avec sa nouvelle stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, actuellement en cours de finalisation, la Tunisie entend faire de cette technologie un levier de croissance et de développement économique. Fruit d’un travail collaboratif avec des experts tunisiens de renommée internationale, cette stratégie sera déployée dans des secteurs prioritaires : santé, éducation, agriculture, environnement et transports. Elle prévoit notamment le renforcement de l’infrastructure technologique, avec l’acquisition de supercalculateurs, et l’attraction d’investissements étrangers dans les technologies de pointe. Et, cerise sur le gâteau : l’ambition de créer un modèle tunisien d’IA qui permettrait de stopper l’hémorragie des données personnelles, de protéger les données publiques et de respecter les valeurs de la société tunisienne.