Accueil A la une Valorisation ou pollution : le dilemme tunisien face au phosphogypse

Valorisation ou pollution : le dilemme tunisien face au phosphogypse

Le phosphogypse tunisien ne présente pas de risque direct de toxicité pour l’environnement ou la santé humaine, selon les conclusions du comité scientifique chargé de son étude. Toutefois, son déversement prolongé en mer constitue une menace sérieuse pour l’écosystème marin, ont averti les experts lors d’une journée scientifique organisée mercredi au siège de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) au Bardo.

Dans une déclaration à l’agence TAP, le président du comité scientifique, Imam Aloui, également professeur de chimie à l’Université de Gafsa, a précisé que la radioactivité naturelle du phosphogypse tunisien est de 270 becquerels/kg, soit bien inférieure à la norme de 1000 Bq/kg fixée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), et à celle relevée dans d’autres pays producteurs.

Les travaux de recherche menés pendant huit mois, appuyés par l’analyse de 170 publications scientifiques, ont révélé des concentrations très faibles voire négligeables en arsenic, plomb et mercure. En effet, le phosphate tunisien contient naturellement peu ou pas de ces métaux lourds.

Le phosphogypse tunisien est essentiellement composé de sulfate de calcium dihydraté (96 %), avec des traces de métaux comme le cadmium, le plomb ou le mercure, et quelques terres rares.

 

Un impact marin préoccupant et une urgence d’agir

 

Le comité scientifique recommande l’arrêt immédiat du déversement en mer, en vigueur depuis la fin des années 1970. Ce rejet continu, notamment dans le golfe de Gabès, menace gravement l’équilibre écologique, en raison de l’accumulation d’impuretés insolubles après la dégradation du gypse.

Selon les chiffres du comité, environ 2,8 millions de tonnes de phosphogypse ont été déversées dans la mer à Gabès entre 2011 et 2023. À cela s’ajoutent 1,6 million de tonnes stockées à Skhira (Sfax) et 0,6 million de tonnes à Mdhila (Gafsa).

Les scientifiques préconisent de requalifier le phosphogypse comme un coproduit plutôt qu’un déchet, et d’en encourager la valorisation économique dans des secteurs comme les matériaux de construction, la construction routière, la fabrication de ciment et même l’agriculture (amélioration des sols).

Toutefois, ils insistent sur le besoin de solutions de stockage conformes aux normes pour protéger les zones côtières, et de mener la valorisation de manière progressive, en raison des volumes importants à traiter.

 

Enjeux environnementaux et justice sociale

 

Présent à la rencontre, le président de la Commission parlementaire de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Environnement, Chokri Ben Bahri, a souligné la volonté d’aboutir à une décision nationale équilibrée entre développement économique, justice environnementale et droits des populations locales.

“Nous ne sommes pas contre le développement, mais celui-ci ne peut se faire au détriment de l’environnement”», a-t-il déclaré.

“Depuis les années 1970, les usines n’ont pas assumé leurs responsabilités face aux pollutions subies par les communautés riveraines. Érosion des plages, maladies, pollution de l’air et de l’eau, fuites de métaux lourds et radiations ont marqué des décennies sans que justice soit rendue”.

À noter que le 5 mars 2025, la Présidence du gouvernement a officiellement approuvé le retrait du phosphogypse de la liste des déchets dangereux, le reclassant en matériau réutilisable.

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