Accueil Culture « Carte Blanche » à El Hamra : Une passerelle cinématographique entre Tunis et Alexandrie

« Carte Blanche » à El Hamra : Une passerelle cinématographique entre Tunis et Alexandrie

L’objectif de ce programme est de promouvoir le cinéma indépendant et documentaire en tant que vecteur de mémoire et de réflexion et de créer une passerelle humaine et artistique entre deux villes de la Méditerranée qui partagent des histoires, des sensibilités et des défis urbains communs.

Ce soir, jeudi 24 avril 2025, est un rendez-vous de lancement d’un nouveau programme de projections cinématographiques intitulé «Carte blanche », une initiative inédite née d’une collaboration artistique entre la Tunisie et l’Egypte, portée par trois structures culturelles : l’association Sentiers-Massarib, basée à Tunis, Wekalet Behna à Alexandrie, et Archipels Images. Cette initiative vise à instaurer un dialogue cinématographique vivant entre les deux villes à travers une série de projections croisées, où chaque partie choisit des films emblématiques de sa culture à faire découvrir à l’autre.

Pour inaugurer ce programme pertinent, c’est le film documentaire The City Will Pursue You (2017) du réalisateur égyptien Ahmed Nabil qui a été choisi. La projection aura lieu à 18h00 au Théâtre El Hamra, dans le cadre d’un cycle spécial du Ciné-club El Hamra, mis en place avec le soutien de l’Association Echos cinématographiques, de Sentiers, et grâce à l’appui du projet Massari et du Fonds arabe pour les arts et la culture (Afac). La séance se fera en version originale arabe, sous-titrée en anglais, et s’inscrit comme une promesse de rencontre interculturelle autour d’un cinéma d’auteur engagé.

L’objectif du programme « Carte blanche » est double : il s’agit non seulement de promouvoir le cinéma indépendant et documentaire en tant que vecteur de mémoire et de réflexion, mais aussi de créer une passerelle humaine et artistique entre deux villes de la Méditerranée qui partagent des histoires, des sensibilités et des défis urbains communs. A Tunis, la programmation mettra à l’honneur des films égyptiens soigneusement choisis par les partenaires alexandrins. Inversement, à Alexandrie, les spectateurs découvriront des films tunisiens ou issus du continent africain, sélectionnés par les partenaires tunisiens.

Ce format de programmation alternée, à raison d’une projection tous les deux mois, ambitionne de construire un espace de dialogue cinématographique durable, où la salle de cinéma redevient un lieu de partage, de mémoire et de pensée critique.

The City Will Pursue You : quand la ville devient mémoire

Premier film à ouvrir ce cycle, «The City Will Pursue You» est une œuvre poétique et profondément humaine. Réalisé par Ahmed Nabil, cinéaste égyptien né à Alexandrie, le film suit le parcours d’Ossama, un personnage qui arpente les rues de la ville en documentant la disparition progressive de ses bâtiments anciens et monuments historiques. À travers sa caméra, Alexandrie se révèle comme un territoire à la fois tangible et fantomatique, un palimpseste de récits individuels, d’émotions enfouies et d’histoires urbaines en voie d’effacement.

Le film donne la parole à des habitants d’Alexandrie qui racontent leur lien intime avec des lieux aujourd’hui menacés par la démolition ou la spéculation. Ce ne sont pas de simples témoignages, mais de véritables fragments de mémoire vivante, qui questionnent l’identité collective, la notion de progrès et la façon dont une ville peut poursuivre ses enfants, même après leur départ.

Le film se structure comme une méditation visuelle, refusant une narration linéaire au profit d’un montage sensible, fait de silences éloquents, de plans fixes, et de voix intérieures.

Ahmed Nabil choisit ici de ne pas commenter directement la modernisation galopante ou les politiques d’urbanisme, mais de mettre en scène la mémoire affective des lieux. La ville devient ainsi un personnage à part entière, une entité qui « poursuit » littéralement ses habitants, hantant leurs souvenirs, leurs gestes, leurs récits. Cette approche permet au film de s’inscrire dans une veine documentaire profondément humaine et existentielle, loin du reportage factuel. La photographie du film saisit avec délicatesse la beauté fanée des immeubles anciens, la lumière méditerranéenne qui caresse les façades usées, et les contrastes entre l’ancien et le moderne. 

Cette esthétique mélancolique confère au film une tonalité presque onirique, comme si Alexandrie elle-même devenait une ville rêvée, fantomatique, en voie d’effacement. «The City Will Pursue You» est un hommage poignant à la mémoire urbaine, un cri silencieux contre l’effacement de l’histoire locale au nom du progrès. Il s’impose comme un film essentiel pour quiconque s’intéresse à l’urbanisme, à la mémoire collective, ou à la beauté fragile des espaces en mutation.

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