
Il aurait pu se contenter de briller dans le répertoire classique occidental. Mais en mêlant airs d’opéra, chefs-d’œuvre du patrimoine arabe et compositions personnelles dans une même symphonie, ce ténor tunisien réaffirme sa volonté : chanter haut et fort son identité. À l’occasion de ce concert exceptionnel rassemblant 130 artistes sur scène, il revient sur ce projet audacieux, qui conjugue maturité artistique, ouverture culturelle et ambition internationale. Entretien avec une voix qui porte bien au-delà des frontières.
La Presse — Est-ce qu’on peut considérer ce concert comme un challenge ?
C’est plutôt le début d’un nouveau projet qui marque une maturité artistique et un cumul d’expériences. Avant, je faisais de la musique pour le plaisir. Depuis 2024, je me suis rendu compte de ma véritable vocation. Je suis chanteur d’opéra, ténor, mais avant tout Tunisien et Arabe. J’ai donc voulu créer un contenu qui correspond à mon identité.
C’est de là que l’idée de ce concert est partie. J’ai voulu que ce projet ait une grande ampleur dès son lancement. Nous avons donc réuni 130 artistes sur scène. Et j’ai tenu à être le ténor tunisien qui chante en italien, en français, en anglais, en espagnol..mais aussi les airs tunisiens et arabes célèbres.
Vous n’avez pas l’habitude de chanter un répertoire aussi varié. Qu’est-ce que cette nouvelle expérience apporte à votre parcours ?
Je suis connu en tant que chanteur d’opéra. Je voulais donc un concept qui ne s’écarte pas de la musique classique. Mais le public ne sait pas que plein de chansons arabes peuvent être interprétées avec un arrangement et un orchestre symphonique. La musique de Omar Khairat par exemple qui a été jouée dans ce concert et les chansons de Abdelhalim Hafedh ont été présentées ailleurs en version symphonique.
J’ai appliqué le même principe pour «Lamouni Elli Gharou Menni» et sur mes propres chansons. Ça a donné un rendu final inédit, entre la vivacité du rythme et la version symphonique. Toute expérience qui rentre dans le cadre de l’opéra, de la musique de haut de niveau me tente et ces créations sont toujours les bienvenues dans mon parcours.
De plus, cette touche symphonique nous permet d’exporter la musique tunisienne et de la présenter partout dans le monde. C’est ce que je compte faire prochainement. Toute chanson que vous pouvez imaginer peut être remodelée dans ce sens, ce qui nous aidera à mettre en valeur notre musique de plus en plus. Je pense notamment au malouf, à des titres de Hedi Jouini… avec du oud au sein de l’orchestre. Beethoven disait «Si tu veux être international, chante ton pays».
Est-ce que vous avez de nouveaux projets en rapport avec vos propres compositions ?
En fait, le contenu de ce concert est envisagé selon un modèle international, le même pour Boccelli, Pavarotti et les plus grands noms de l’opéra. Ils démarrent toujours les spectacles avec les reprises. Ils font au début des extraits d’opéras, puis des chansons italiennes classiques célèbres et laissent leur propre répertoire vers la fin. Nous avons donc tenu à suivre ce modèle qui allie des genres de musique différents, entre reprises et créations.
La différence, c’est que mes chansons sont bien plus rythmées que le reste du contenu, mais pourquoi ne pas mélanger les rythmes aussi ? Symphonique n’est pas synonyme de snob. C’est une musique élégante, de haut niveau et qui procure du plaisir.
Comment évaluez-vous la réaction du public ce soir ?
C’est franchement au-dessus de mes attentes. Il y a des moments pour «Tayer» où j’étais particulièrement touché par cette symbiose, cette énergie et cette ferveur. Certains m’ont même demandé les prochaines dates où on rejoue ce même spectacle.
Vous avez annoncé des projets à l’étranger. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?
J’ai une série de spectacles prévus prochainement en France et en Angleterre. Un autre programme se prépare pour l’Autriche. Des négociations sont en cours pour des scènes de renommée. Je ne veux plus me contenter de chanter dans leurs langues. Je veux chanter notre langue et notre patrimoine.