
La campagne céréalière touche à sa fin. Et certains agriculteurs viennent de récolter ce qu’ils ont semé. D’autres attendent encore la moisson. Car à l’échelle des régions, le blé ne mûrit pas en même temps. Au nord et au nord-ouest, ce serait dans une semaine ou presque.
La Presse — Vendredi dernier, 23 mai, à Kairouan, c’était le coup d’envoi : sous un ciel dégagé, Radhouane Bouguerra, céréaliculteur exploitant quelque 30 hectares de blé dur en irrigué, avait, aussitôt, décidé de récolter ses 10 ha semés d’«Inrat 100» et 5 ha d’«Iride». Au petit matin, il passe à l’action, de crainte que la pluie ne reprenne, risquant ainsi de tout reporter.
D’autant plus que le centre de collecte de blé de la place a ouvert ses portes, prêt à stocker la nouvelle récolte de l’année. «Climat favorable, pas de pluie, l’humidité des graines étant aussi optimale située en dessous de 14%, c’était bien le temps de la moisson», nous explique-t-il. Le lendemain, samedi 24 mai, les prévisions météo ne le lui permettaient pas. Dimanche non plus.
La moissonneuse-batteuse tourne à plein régime
Lundi, 26 courant, Radhouane a pu ainsi relancer le battage de la superficie restante, soit 15 ha de blé dur emblavés de la variété « Saragolla ». L’aube a pointé, il faisait chaud, la moissonneuse-batteuse tournait à plein régime et la faneuse à foin la suivait de loin, dans une ambiance agricole festive.
C’est qu’après sept mois, on est en droit de célébrer, dans la joie, ce jour de moisson, ô combien attendu. En effet, à l’instar de beaucoup d’agriculteurs tunisiens, la patience de Radhouane a été finalement récompensée. Pour lui, la saison est assez bonne : «En moyenne 52 quintaux/ha de blé dur (variété Inrat 100), 75 quintaux/ha pour la semence «Iride» et 87 quintaux/ha pour «Saragolla», c’est une moisson record dans la région, voire à l’échelle de tout le pays. Dieu merci !», se félicite-t-il, euphorique.
D’ailleurs, il ne s’agit pas d’une première. Ces deux variétés localement enregistrées, depuis 2010, à savoir «Iride» et «Saragolla», n’ont jamais perdu de leur fertilité ou de leur qualité. Testées dans sept gouvernorats au nord et au nord-ouest du pays, leurs résultats avaient, alors, dépassé toutes les prévisions, sous le contrôle assidu du ministère de l’Agriculture et des différents groupements agricoles relevant de l’Utap dont celui de Béja. La récolte était, à l’époque, aussi bonne, frôlant 70 quintaux par hectare, soit trois fois plus que la moyenne réalisée par d’autres variétés tunisiennes jusque-là utilisées sans grande valeur ajoutée.
L’autosuffisance tant rêvée
L’année dernière, Imed Jamazi, agriculteur, originaire de Boussalem, dans le gouvernorat de Jendouba, avait, lui aussi, réalisé un succès éclatant: «Sur 5 hectares de blé dur semés de «Saragolla», en régime pluvial, la récolte a été plus de 415 quintaux au total, soit 83 quintaux par hectare». Ce fut un record évident! En fait, bon nombre de céréaliculteurs les ont choisis volontiers de par le haut rendement, la résistance à la sécheresse et la bonne qualité boulangère dont elles font preuve.
La variété «Saragolla» s’appelle aussi la graine jaune, en référence à l’indice de jaune qu’elle recèle, comme aliment anticancérigène. C’était le chef du groupement agricole de Béja, feu le général Youssef Baraket, qui avait défendu ce choix, quand il a visité, en 2007, l’Italie, à la tête d’une dizaine d’agriculteurs, pour l’obtention de ces deux variétés, en compagnie de la Stima (Société tunisienne des matériels et intrants agricoles), dans le cadre d’un partenariat public-privé.
«Un tel projet agricole n’est certes pas le mien, c’est bien un acquis variétal pour tout le pays, visant à réaliser l’autosuffisance nationale en blé dur et assurer, à long terme, notre sécurité alimentaire, comme le prévoit le Président Kaïs Saïed», évoque le gérant de la Stima, Abdelmonom Khelifi, venu, le week-end dernier, assister à la moisson à Kairouan.
«Pour moi, cela ressemble à l’or jaune que l’on doit préserver pour satisfaire nos besoins nationaux et réduire l’importation inutile de tonnes de blé de consommation, à des coûts exorbitants», recommande-t-il, estimant que la production nationale avoisine les 10 millions de quintaux au total, dont à peine 7 millions de quintaux seraient collectés.
Somme toute, en régime pluvial ou irrigué, ces semences de blé dur, aussi prolifiques et résilientes aux changements climatiques, sont, semble-t-il, trop sollicitées par les agriculteurs. Et chaque année, ils voudraient s’en approvisionner.