Accueil Culture Vient de paraître « Sursis à volonté » : Les choses de la vie sans voile, sans filtre, ni retenue                     

Vient de paraître « Sursis à volonté » : Les choses de la vie sans voile, sans filtre, ni retenue                     

Basma Omrani nous invite dans son roman à la découverte de la vie d’une personne où tout a été suspendu, même le droit au rêve.

La Presse — Le personnage principal (Sobhi) ne vit pas, il survit avec un salaire de misère, dénué de toute forme de gloire. «Aucune découverte cruciale n’émaillait sa vie. Il avait la conviction brûlante et douloureuse que son bonheur lui échappait », révèle l’autrice dans son tout premier roman. De la précarité financière, qui n’est pas la problématique majeure que le roman explore, il sombre dans une autre forme de «précarité existentielle », accentuée par un lointain souvenir qui le torturait. «Plus il progresse dans la vie, plus une question l’obsède. N’y a-t-il pas quelque chose de plus à vivre ?».

Le protagoniste de l’histoire se trouve ainsi en proie à une crise émotionnelle profonde, doublée d’une angoisse existentielle. C’est toute sa vie qui est en sursis. Elle est comme peuplée de rêves fissurés et de projets qui se volatilisent au gré des caprices du destin.  Il est condamné à errer dans un labyrinthe sans sortie.  Le style d’écriture est empreint de poésie, avec des passages de grandes intensités émotionnelles pour le lecteur, où le monologue l’emporte sur le dialogue, comme pour traduire les tourments intérieurs du personnage.

Dans son entretien avec notre journal, elle confie que l’écriture de ce roman est née d’un désir d’exprimer certaines choses, d’écrire sur des thèmes qui lui sont chers, comme la solitude, l’intime, l’effacement, la mémoire traumatique… «C’est mon premier roman, certes, mais j’ai déjà esquissé des débuts de romans et des pièces de théâtre que j’avais gardés pour moi. Pour ce roman, il y avait quelque chose de différent : cette nécessité d’écrire est devenue, au fil des jours, presque quotidienne. Cette écriture m’a poussée à regarder les choses autrement. Il n’y avait pas un élément particulier déclencheur de ce désir d’écrire, mais tout pouvait en être un. Il y avait en moi un débordement émotionnel et des interrogations. Comment vivre librement, pleinement avec un salaire très bas ? Est-ce tout ? Est-ce que la vie est juste ça ? Qu’est-ce que réussir sa vie ? Le travail, la réussite scolaire, la vie en couple…».

 Au fond, enchaîne Basma, le personnage principal représente tant de jeunes qui vivent dans la même situation que lui. Ces jeunes sont privés de dignité, d’ouverture, d’art, de culture, de voyage… À travers l’écriture, elle voulait « décrire les choses de la vie sans voile, sans filtre, ni retenue, en suivant la trajectoire d’un personnage en souffrance. Et finalement, quel être normalement constitué ne se révolterait pas face à une réalité écrasante ?». Elle avait envie d’écrire sur les sentiments étouffés en nous et dénoncer les atrocités.

«Je ressentais une grande satisfaction au moment de l’écriture. Je suis heureuse de pouvoir exister en écrivant, car l’acte d’écrire permet de mettre en mots ses pensées d’une manière plus profonde et réfléchie. Je voulais écrire un roman dans lequel tout le monde puisse s’identifier, un roman qui puisse parler à chacun. Le meilleur moyen de s’approcher de la réalité, c’est de l’inventer. Je voulais travailler sur la pauvreté, parce qu’un homme affamé n’est jamais libre. Un homme prisonnier d’un salaire s’empêche de vivre, parce qu’il est dans l’incapacité, dans l’impossibilité de choisir sa vie. Je voulais écrire sur les effets de la pauvreté sur l’individu : le stress, l’exclusion sociale, l’isolement, la honte, l’augmentation de la criminalité, la prostitution… Et chaque jour devient ainsi une lutte pour assurer une survie immédiate. Car comment conserver son humanité, sa dignité, lorsqu’on est privé de tout ?».

L’autrice ajoute que le titre «Sursis à volonté» a une portée métaphorique. «Je l’ai choisi pour évoquer la situation fragile, incertaine et temporaire de Sobhi. Il passe, en quelque sorte, toute sa vie en sursis émotionnel, jusqu’à retrouver un certain équilibre. Le personnage principal vit dans une attente intérieure, une quête silencieuse, à la recherche de ce verrou qui l’empêche d’accéder à lui-même. Et tant qu’il ne parvient pas à le retrouver — ou à le nommer— le temps reste suspendu».

Basma a grandi à Sfax. Après le bac, elle a poursuivi ses études universitaires en France, d’abord à Grenoble, puis à la Sorbonne, où elle a soutenu une thèse en littérature générale et comparée. Actuellement, elle travaille sur un nouveau roman qui, selon elle, explore l’intime sur fond de réalité sociale. «J’essaie d’y développer le lien entre l’individuel et le collectif, de montrer comment les trajectoires personnelles sont traversées, parfois façonnées, par les dynamiques sociales, politiques ou historiques. C’est une manière de continuer à interroger cette frontière floue entre le «je» et le «nous».

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