Accueil A la une Commentaire – Assassinat d’un Tunisien en France : Pas un fait divers, un crime raciste

Commentaire – Assassinat d’un Tunisien en France : Pas un fait divers, un crime raciste

La Presse — Au moment où l’extrême droite gagne du terrain en Europe, les discours de haine à l’égard des étrangers se banalisent et les politiques migratoires se durcissent. Dans ce climat inquiétant, les réactions médiatiques face à certains drames semblent révélatrices d’un traitement à géométrie variable.

La montée de l’extrême droite en Europe a attisé la braise du racisme et de la haine à l’égard des étrangers et a mis à nu les nouvelles politiques menées par les dirigeants en place, ce qui est de nature à mettre en danger la vie des migrants et requérants d’asile. De la haine à profusion qui suscite inquiétude et réflexion, ponctuée d’actes d’agression et d’assassinat. Ceux qui s’érigeaient hier en « donneurs de leçons en matière de respect des droits humains », se calfeutrent aujourd’hui dans un mutisme consternant. Les graves répercussions sur les droits des migrants, arabes en particulier, ne sont plus à démontrer.  Le racisme, la xénophobie et l’islamophobie ont conséquemment engendré le pire : des assassinats, des actes de haine et de violence dirigés contre les migrants et les personnes étrangères.

Deux assassinats traduisant l’impact d’un discours politique extrémiste

En l’espace de quelques mois, deux assassinats sont venus confirmer cet état de fait. Le 25 avril 2025, Aboubakar Cissé, un Malien de 22 ans, a été poignardé à mort dans la mosquée Khadidja de La Grand-Combe, dans le Gard, en France. Samedi 31 mai au soir, dans un quartier populaire de Puget-sur-Argens (Var), Hichem Miraoui, un coiffeur tunisien de 35 ans, a été abattu de cinq balles.  « Dans plusieurs vidéos, le suspect affirmait vouloir « tuer des étrangers » tout en faisant part de son admiration pour Jean-Marie Le Pen.  Le Parquet national antiterroriste s’est saisi du dossier en raison des « revendications politiques » contenues dans les messages publiés par l’assassin, rapportent des médias français. De quoi s’inquiéter sur le sort de plus de cinq millions d’étrangers résidant en France.

Un rapport alarmant de l’Agence européenne des droits fondamentaux en France, publié en 2024, alertait déjà sur la réalité sociale de l’islamophobie. Plus largement, aux États‑Unis et en Europe, des rapports font état d’une augmentation de 600 % des incidents islamophobes, a déclaré le Haut‑Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui a condamné « la forte augmentation des cas de discours de haine, de violence et de discrimination, à la fois en ligne et hors ligne ». En France, selon ce même rapport, 39 % des personnes interrogées ont dit en être victimes. En Europe, un musulman sur deux dit être victime de discriminations au quotidien.

À titre d’exemples, dans le Rhône, la mosquée de la Croix‑Rousse à Lyon a été visée le 28 mai 2024 par des tags islamophobes, pour la troisième fois en un an. À Corbas (commune française située dans la métropole de Lyon), une famille a vu des tags islamophobes et racistes inscrits sur les murs de leur domicile familial dans la nuit du 13 au 14 juillet 2024. En Isère (département français de la région Auvergne-Rhône-Alpes), lundi 7 octobre 2024, Ahmed a découvert une tête de cochon devant son atelier à Biol. La salle de prière musulmane de Jargeau, près d’Orléans, a été ravagée par les flammes dans la nuit du 25 au 26 février 2025. La piste criminelle et le mobile raciste ont été retenus par le Parquet d’Orléans. Cet acte de pyromanie fait suite à une série d’autres incidents.

« Depuis plusieurs années, nous alertons le gouvernement français sur les discriminations auxquelles les personnes musulmanes sont exposées au quotidien. Pourtant, aucune mesure n’est prise et les discours haineux contre les musulmans se sont multipliés et banalisés en France, structurant ainsi une partie des discours politiques et des médias. Un tel contexte crée les conditions pour des passages à l’acte, contre une partie de la population sans cesse pointée du doigt », avait averti Amnesty International le 30 avril 2025 dans un communiqué suite à l’assassinat d’Aboubakar Cissé.

« Les autorités françaises échouent à mettre en place une politique publique de lutte contre le racisme et les discriminations qui soit efficace et ambitieuse. Les discours de façade des dirigeants français sur le racisme anti-musulmans ne peuvent occulter leur responsabilité dans l’islamophobie en France. Il est temps que la classe politique et les médias français prennent la mesure de la responsabilité qui est la leur, et des conséquences effroyables que peuvent avoir dans la réalité des paroles de haine », ajoute la même ONG.

Le ministre de l’Intérieur alerte son homologue français sur les dangers des discours haineux

Suite à l’assassinat de Hichem Miraoui, le ministre de l’Intérieur, Khaled Nouri, s’est empressé de s’entretenir au téléphone avec son homologue français Bruno Retailleau. Lors de cet échange, il a fermement condamné un acte violent ayant choqué la Tunisie, appelant à protéger la communauté tunisienne en France et à prévenir ce type de tragédie. Il a alerté sur les dangers des discours de haine, propices à la violence. De son côté, le ministre français de l’Intérieur a dénoncé ce crime raciste, affirmant l’engagement des autorités françaises à rejeter toute forme de division et à poursuivre le coupable avec rigueur. Il a présenté ses condoléances à la famille de la victime et souligné que cet acte ne reflète ni la société ni les valeurs françaises. Les deux ministres ont convenu de renforcer leur coopération sécuritaire pour lutter ensemble contre l’extrémisme.

Où sont passées nos ONG !

Sur Twitter, Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) a adressé un message de compassion à la famille agressée, appelant à « ne pas laisser l’officialité attiser la haine raciste en la légitimant ». « Ce crime n’est pas un fait divers. Il est le résultat d’un climat politique et médiatique nourri par des années de discours racistes, xénophobes et sécuritaires promus par la droite et l’extrême droite, et trop souvent repris ou banalisés par le gouvernement lui-même. La haine progresse quand les institutions ferment les yeux, quand les mots violents deviennent une norme médiatique et politique. Certains finissent par passer à l’acte ». Et d’ajouter que « dans ce quartier, vivent côte à côte depuis des années des familles françaises, kurdes, turques, tunisiennes. Hichem avait 35 ans. Il était coiffeur, apprécié de toutes et tous. Aujourd’hui, ses voisins et voisines sont en état de choc et en colère. Car ils savent que derrière ce geste, il y a des mots, des discours, des responsables ».

Pointant les réactions à géométrie variable, Mélenchon conclut : « Vous n’entendrez d’ailleurs probablement pas autant parler de cet assassinat, pourtant désormais considéré comme terroriste par le Parquet, autant que vous avez entendu parler d’autres meurtres ou évènements dramatiques auxquels les grands médias ont consacré des plateaux entiers des jours durant ».

Ce qui est consternant, toujours pas de réaction (pour le moment) de la part des ONG et associations tunisiennes actives dans le domaine des droits humains suite à l’assassinat d’un citoyen tunisien !!!

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