
La Presse — A l’occasion du centenaire de la disparition du compositeur Erik Satie (1886-1925), les médias, principalement thématiques, mettent les bouchées doubles pour commémorer cette date. La chaîne radio, France Musique a donné le la.
Disparu en 1925, peu connu par le grand public, cet artiste a laissé une empreinte sur son époque grâce à la richesse de son œuvre et l’originalité de son style. Un siècle après sa mort, des concerts, des conférences et autres hommages redonnent vie à son héritage, rappelant l’influence durable de sa musique dans le paysage culturel d’hier et d’aujourd’hui.
La France, pays de sa naissance, a une inclination marquée pour les célébrations. Rendre hommage à un musicien révolutionnaire dans sa démarche antisystème est fort louable. Les célébrations ont une utilité et des vertus souvent oubliées ( parfois snobées), elles permettent, comme dans le cas présent, de se familiariser avec un musicien dont on connaît peu les œuvres et le parcours. Il se trouve même des amateurs qui n’ont pas entendu parler de Satie. Pourtant, ce compositeur a exercé une influence surprenante, large et variée sur plusieurs courants musicaux du XXe et du XXIe siècle. Il a laissé des traces sur des musiciens d’avant-garde, peu visibles; les musiciens minimalistes comme John Cage, Brian Eno, Philip Glass ou Steve Reich et quelques autres musiciens actuels de jazz ont été influencés par la simplicité, la répétition et l’économie de moyens de Satie.
Classé souvent en marge des courants dominants de son époque, il a pourtant profondément influencé l’évolution de la musique moderne. Ses œuvres souvent étranges et provocatrices, et les noms qu’il leur a données Gymnopédies, Gnossiennes, musique d’ameublement, vexations, sonatine bureaucratique etc. intriguent par leur étrangeté, leur humour absurde et leur esprit provocateur, Satie a ouvert la voie à de nouvelles formes d’expression musicale, anticipant des mouvements comme le surréalisme ou le minimalisme.
Satie n’étonnait pas uniquement par ses compositions et ses titres loufoques ; il fut renvoyé du Conservatoire, ses professeurs le considèrent comme paresseux, manquant de talent, ou inapte à la discipline académique. Il préfère aux études académiques les cabarets de Montmartre où il se produit régulièrement. A 40 ans, il retourne à l’école, y étudie la composition et le contrepoint, un savoir-faire technique qu’il applique dans un esprit plus structuré et rigoureux.
Son comportement, sa façon de s’habiller: «J’aime que mon apparence soit aussi correcte que ma musique est incorrecte», disait-il, bref sa vie elle-même fut extravagante, excentrique; voici un extrait de son invraisemblable régime alimentaire qu’il observait méticuleusement «Ma seule nourriture consiste en aliments blancs…» (œufs, sucre, arêtes pilées, graisse d’animaux morts, sel, noix de coco, poulet cuit à l’eau claire, fruits moisis, riz, etc., le tout avec du vin bouilli au jus de fuchsia)»
Côté scandale, un événement a fait couler beaucoup d’encre. C’était en 1917, Jean Cocteau lui demanda une musique de ballet (de Diaguilev). Dans sa composition, Satie introduisit des matériaux, jusque- là jamais vus dans l’histoire de la musique ; des bruits d’une machine à écrire, une sirène de police, des éclats de coups de feu … Un scandale ! La création fit sensation : le public manifesta son indignation vivement devant la salle et dans la rue; Satie avec Cocteau et Picasso (qui réalisa le décor) furent accusés d’«anarchie culturelle» — ils furent arrêtés et écopèrent de huit jours de prison pour ce «scandale de Parade».
Le 1er juillet prochain, jour de sa mort, le monde de la musique se souviendra.