
L’économiste et ancien ministre du Commerce, Mohsen Hassan, a appelé à la mise en place d’un plan urgent de restructuration de la Société Ellouhoum, confrontée à une crise de gouvernance et à de graves accusations de corruption. Selon lui, cette entreprise publique doit être réformée en profondeur afin de retrouver sa capacité à réguler le marché national de la viande.
« Il est désormais indispensable d’élaborer un plan de redressement global pour permettre à la Société Ellouhoum de jouer pleinement son rôle dans la stabilisation des prix et l’approvisionnement du marché », a déclaré Hassan dans un entretien accordé à l’agence TAP.
Ce plan, selon lui, doit inclure : la cession du patrimoine foncier actuel, situé à La Charguia (environ 17 hectares), au profit des sociétés publiques SPROLS et SNIT, pour y ériger des projets immobiliers à vocation sociale, L’octroi d’un domaine agricole proche de Tunis pour relancer l’activité de production, la mise en œuvre d’un programme de restructuration sociale, incluant la révision des effectifs, la formation continue, le recrutement de compétences ciblées et l’amélioration du climat de travail, la création d’un pôle agroalimentaire intégré, avec élevage, abattoir aux normes sanitaires, centres de réfrigération, unités de transformation, emballage, stockage et un centre de formation professionnelle.
Sur le plan financier, Hassan recommande une restructuration de la dette par conversion en capital, l’abandon des pénalités de retard, ainsi que l’augmentation de la participation de l’État dans le capital de l’entreprise et le respect de ses engagements budgétaires
Il insiste également sur la nécessité de revoir la politique commerciale de l’entreprise en développant un réseau national de points de vente sous l’enseigne originelle, en coopération avec le secteur bancaire, pour améliorer l’offre et créer des emplois. Il appelle enfin à une réforme de la gouvernance, en ouvrant le conseil d’administration à des experts du secteur privé, et en renforçant les mécanismes de contrôle qualité, financier et sanitaire.
Mohsen Hassan rappelle avoir proposé ce plan il y a dix ans lorsqu’il était au gouvernement, mais qu’il avait été rejeté à l’époque par les syndicats, contribuant à l’aggravation de la situation.
Une délégation parlementaire dénonce des « dysfonctionnements graves »
Cette déclaration intervient dans un contexte tendu, après la visite le 29 mai d’une délégation parlementaire au siège de la société à quelques jours de l’Aïd al-Adha. Les députés ont constaté des irrégularités majeures et des soupçons de corruption, ce qui a conduit la Garde nationale à ouvrir une enquête judiciaire.
La députée Sirine Marabet a qualifié ces dérives de « terrorisme alimentaire », déclarant être en possession de documents, vidéos et témoignages qu’elle mettra à la disposition de la justice. Elle a publié sur les réseaux sociaux des images montrant, selon elle, l’ampleur des défaillances.
Par ailleurs , le 23 mai, le ministre du Commerce et du Développement des exportations, Samir Abid, avait effectué une visite inopinée au siège de la société. Le ministère avait alors évoqué les préparatifs pour l’importation de viande réfrigérée et l’ouverture d’un point de vente pour les moutons au kilo, en insistant sur la transparence des transactions. Le communiqué ministériel n’a cependant fait aucune mention des irrégularités signalées.
Dans les jours qui ont suivi, de nombreuses plaintes citoyennes ont émergé. Des intermédiaires auraient monopolisé les points de vente au détail de la société, achetant les moutons au kilo pour spéculer sur les prix, rendant ainsi l’accès aux sacrifices difficile pour de larges pans de la population.
Il est à noter que la Société Ellouhoum est une entreprise publique dont l’Office tunisien du commerce détient 66,28 % du capital, contre 33,33 % pour la municipalité de Tunis. Elle relève du ministère du Commerce et du Développement des exportations. Sa mission principale est de fournir les grandes zones de consommation en viande, gérer le marché aux bestiaux, les abattoirs et les entrepôts frigorifiques, commercialiser a viande à des prix accessibles pour préserver le pouvoir d’achat, fournir des services aux professionnels de la filière via ses unités d’exploitation.