Accueil Editorial Loi sur le cinéma et réforme du Cnci : La Tunisie à la croisée des chemins

Loi sur le cinéma et réforme du Cnci : La Tunisie à la croisée des chemins

Editorial La Presse

L’actualité à l’ARP cette semaine est culturelle. A preuve, la Commission du tourisme, de la culture, des services et de l’artisanat vient d’étudier le projet de loi relatif à l’industrie cinématographique le jeudi 12 juin. Cela dit, une évidence s’impose : nous perdons un temps précieux à comprendre ce que d’autres pays ont intégré depuis longtemps, à savoir que le cinéma est une industrie. Une vraie, avec ses règles économiques, ses circuits de distribution, ses logiques de concurrence et de rentabilité.

Pendant que les professionnels se colletent avec des lois éculées, nos voisins avancent, attirent des investissements, forment des techniciens, exportent leurs films, créent des emplois. Force est de croire que nous continuons à traiter le cinéma comme une activité artisanale, élitiste ou militante, dépendante d’aides publiques gérées dans l’opacité, déconnectée des réalités du marché et incapable de s’imposer sur les écrans étrangers.

Alors, on ne peut que saluer l’intention du projet de loi de réformer le secteur. Mais cette intention doit se traduire par des actes forts, à commencer par la restructuration du Cnci (Centre national du cinéma et de l’image), cet organisme qui, faute de moyens et d’une mission claire, s’est réduit à un simple guichet de subventions, alors qu’il devrait être un acteur stratégique de l’écosystème cinématographique. Prospective, régulation, diffusion, accompagnement des talents, formation, soutien à l’export… toutes ces missions sont aujourd’hui absentes ou marginales.

Le Cnci ne peut plus continuer à fonctionner comme une coquille vide. Il est temps d’en faire une «agence» dotée de prérogatives réelles, capable de piloter le secteur, d’en réguler les flux, d’en assurer la visibilité, en Tunisie comme à l’international. C’est aussi à ce niveau que le projet de loi sera jugé : saura-t-il instaurer un environnement stable, transparent et incitatif pour que les créateurs osent, pour que les investisseurs aient confiance, pour que le cinéma cesse d’être une activité de survie ?

Car aujourd’hui, les films tunisiens, souvent salués dans les  festivals, ne franchissent jamais les frontières des circuits commerciaux. On a l’impression qu’ils sont faits pour être vus «entre amis», le temps d’une projection lors d’un festival  international, sans lendemain possible dans les guichets ni de distribution dans d’autres pays. C’est un immense gâchis de talents et d’énergie. Un film ne vit que s’il est vu. Et il n’est vu que s’il circule.

Si la Tunisie veut retrouver sa place, elle doit sortir du mythe romantique du cinéma «engagé mais invisible» et embrasser, enfin, la logique d’une industrie culturelle moderne, créative, mais aussi compétitive. Il semblerait également que ces films d’auteurs n’attirent pas le public dans les salles. Ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas commerciaux mais parce que leur syntaxe d’écriture ne permet pas au Tunisien de s’y identifier.  Ainsi  ce projet de loi est une opportunité. À condition de ne pas la rater une fois de plus.

Charger plus d'articles
Charger plus par Salem Trabelsi
Charger plus dans Editorial

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *