
Nous en avons la preuve chaque matin : nous vivons l’ère de la culture du défi. Partout et dans tous les domaines. Ç’en est même devenu le moteur principal de la progression sur la voie de l’innovation. Elle est au point de départ de toute nouvelle conquête, qu’elle soit sportive, artistique ou spatiale.
La culture du défi est différente de la culture de l’excellence.
Cette dernière partage avec la précédente l’impératif de la volonté et celui de l’effort. Mais elle requiert aussi des capacités physiques et/ou intellectuelles dont le niveau est indépendant du bon vouloir de l’aspirant à l’excellence. En cela, celle-ci est fatalement réservée à une élite qui, de surcroît, serait d’autant plus favorisée qu’elle disposerait de ressources matérielles à même de lui assurer un maximum de confort dans la poursuite de ses objectifs. Ses heureux élus sont choyés en cours de route puis célébrés par tous comme étant la crème de la société, ceux qui se distinguent par leur réussite qui les place en haut de la pyramide sociale. Somme toute, elle est tout sauf «démocratique».
Il en va tout autrement pour l’autre catégorie, pratiquement à la portée de tout un chacun.
Je me souviens que du temps de mon enfance, lorsque nous rapportions avec admiration à notre entourage des exploits qui faisaient suer eau et sang à leurs auteurs, nous ne recueillions dans la plupart des cas que des réflexions désabusées du genre : mais pourquoi se donner tant de peine pour réaliser de telles futilités (nous parlions, par exemple, de prouesses d’un haut degré de dangerosité, de records de toutes sortes ou d’une utilité pratique apparemment nulle). Ce n’est pas rentable ? Ça n’améliore pas le vécu ? En un mot, c’est inutile ? Alors à quoi sert-il de gaspiller de tels efforts, de courir tant de risques ?
Cet « utilitarisme » est proprement assassin. Insidieusement, il tuait en nous le désir d’évasion, de rêve et, partant, de créativité qui est à la source de toutes les conquêtes. Comme dirait quelqu’un qui se reconnaîtra, ces gens-là ignorent l’utilité de l’inutile.
La culture de l’excellence, qu’il y a lieu de promouvoir par tous les moyens parce que, précisément, son utilité pour les personnes et pour les sociétés est plus qu’évidente, est, nous l’avons dit, réservée à un happy few, celle du défi est accessible à tous, partout et tout le temps.
De quoi s’agit-il, en fait ? D’améliorer ses propres performances, de repousser ses limites, de se surpasser à chaque épreuve. Les premiers excellent dans la reproduction de ce qu’ils ont reçu et, à l’occasion, l’améliorent. Les seconds, eux, s’élancent dans l’exploration de nouveaux possibles. A ce titre, ils sont des pionniers sans relâche à l’assaut de nouveaux horizons.
La culture du défi est à instiller par tous les moyens pour en faire un trait de caractère national. Ce serait une conquête sans égale.